mercredi 18 mars 2009

PANAMA : LE KUNA YALA

Le KUNA YALA est le nom que les indiens Kuna donnent à leur territoire dont ils ont fini par obtenir l’autonomie en 1953 après une lutte acharnée de près d’une trentaine d’années. Il est aussi connu, et en fait plus connu, sous le nom de SAN BLAS que les colonisateurs espagnols lui ont donné et que les Kunas détestent.
Ce territoire qui fait partie du Panama est très vaste : il s’étend le long de la côte nord-est du Panama sur environ 80 milles (140 kilomètres).

Il consiste en un archipel de plus de 340 îles et de toute la bande côtière correspondante sur une vingtaine de kms ( à vérifier) à l’intérieur des terres.

Notre plus jeune fils Charles devant nous y rejoindre le 19 décembre pour passer les fêtes avec nous, nous avions décidé de nous y trouver deux jours plus tôt. Nous avions un jour et une nuit de traversée pour aller de Rosario, une île colombienne au sud de Cartagena, au Kuna Yala et pensions profiter de ces deux jours d’avance pour commencer à découvrir certaines de ces îles.
Le sort en a décidé autrement : la mer lors de la traversée de nuit de Rosario au Kuna Yala était assez forte ; je dormais sur une des couchettes du carré ; un des crochets de la toile anti-roulis de ma couchette a cédé ; je suis violemment tombée face contre le sol et me suis ouvert la lèvre de belle façon ( si l’on peut dire !).

Plus question d’aller se baigner ou faire du snorkeling devant une île de carte postale ! Nous avons rallié le plus vite possible l’île de Corazon de Jesus ( Akwanusadup en kuna) où se trouve un minuscule aéroport. Le lendemain à 7h je prenais un avion pour Panama City et son remarquable hôpital national, à 9h j’étais admise aux urgences et à 11h j’en ressortais la lèvre recousue par un chirurgien de chirurgie esthétique. Grâce à Pactor nous avions pu contacter par courriel en plein océan et très rapidement notre assurance qui a fait le nécessaire auprès de l’hôpital.
Le lendemain j’ai repris l’avion pour Corazon de Jesus et me suis en fait retrouvée sur le même vol que Charles qui arrivait!


De Corazon de Jesus nous sommes d’abord partis vers l’ouest en allant tranquillement d’île en île jusquà El Porvenir pour faire les formalités d’entrée. Là, on nous a dit de repasser début janvier car les autorités venaient de se mettre en vacances pour une quinzaine de jours ! Nous avons décidé de continuer notre découverte de l’archipel en repartant assez loin vers l’est, jusqu’à Mamitupu (prononcer « mamitoupou » et non « mamie, tu pues », ce qui amuse beaucoup les enfants français !) où l’on trouve un village kuna dont le mode de vie est encore très proche de celui des indiens kunas d’il y a un siècle ou deux. Nous y avons retrouvé nos amis des bateaux Sundance et Panonica avec qui nous voulions passer le Jour de l’An.









Michel du voilier Panonica et Francine en train de chanter des chants de marins accompagnés par Rosine ( aussi de Panonica)à l'accordéon.














Le beau-frère de Pablo et Francine




















Jocelyn et Anne du voilier Sundance.














Pablo très inspiré alors qu'il interprovise une chanson en notre honneur.









Bûche confectionnée par Anne pour l'occasion

Les îles du Kuna Yala sont pour la plupart désertes et toutes au ras de l’eau. Elles sont magnifiques , bordées de plages de sable blanc très fin, parfois de mangrove, couvertes de cocotiers d’une trentaine de mètres de haut et plus et entourées de massifs de coraux superbes. En revanche nous avons été déçus du peu de poissons que nous y avons vus. La navigation entre les îles est très intéressante car pas évidente avec tous ces hauts-fonds et massifs coralliens à éviter : un vrai défi pour ceux que la navigation passionne, François et Charles les premiers bien sûr !






















































































Seul un petit nombre d’îles est habité et en général ce sont les îles les plus proches de la terre. Quand elles sont habitées elles le sont à 100%, c'est-à-dire que toute la surface en est occupée. On a même parfois l’impression que les maisons en débordent ! De fait les toilettes, les porcheries et les abris à ulus (canoës) sont souvent construits sur des pilotis plantés dans la mer.



































































Plus les îles habitées sont éloignées, comme Mamitupu, de la civilisation, des aéroports, des îles préférées des plaisanciers…, et plus les indiens kunas qui les habitent respectent leurs traditions et les préservent, bien conscients du risque qu’ils courent, à l’instar de certaines, de les voir disparaître. Chez eux il n’y a pas le gaz, pas l’électricité, parfois l’eau mais pas toujours. Les hommes se déplacent en ulu qu’ils manient à la pagaie, vont à la pêche ou plongent à la recherche de langoustes qu’ils vendent au « Lobster Plane », rouge comme il se doit, qui approvisionne entre autres les restaurants de Panama City , se chargent de l’approvisionnement de l’île en eau douce, en bois et en bambous et s’occupent de leurs jardins sur la côte qui est relativement proche, entre un et trois milles. Ils possèdent tous des cocotiers qui sont leur richesse principale ; dessous ils font pousser toutes sortes de choses, des ananas, des mangues, du manioc, des bananes, du maïs, des ignames… , pas de façon ordonnée et systématique comme chez nous mais à l’africaine, c'est-à-dire un petit peu de ceci ici, un petit peu de cela ailleurs. Des ONGs leur auraient montré comment cultiver la terre de façon plus rationnelle et leur ont entre autres offert de petits tracteurs : ces derniers sont train de rouiller quelque part dans la jungle, cela ne correspondant pas du tout à leur façon de travailler la terre !


































Les femmes s’occupent des enfants, font la cuisine et fabriquent des molas qui sont une importante source de revenus.


























































Les enfants, nombreux, ont l’air très heureux, s’amusent avec des riens, fabriquent leurs propres jouets ( des cerf-volants par exemple)…








La petite fille du milieu n'arrêtait pas de faire le clown.
















Notre ami Jocelyn de Sundance avec un petit indien kuna très rigolo.
















Les jeunes filles aident leur mère et font aussi des molas. Les jeunes garçons après le travail pour la communauté se retrouvent pour jouer au football et surtout au volley qui est de loin leur sport favori ou se baladent en ulu.

Les kunas sont des gens très doux, très calmes, très raisonnables qui ont apparemment peu de besoins et ont l’air très heureux comme ils sont. Dans une des îles Robeson le chef de village aurait refusé l’adduction d’eau afin que les jeunes gens ne restent pas inactifs mais continuent à approvisionner la communauté en eau potable chaque jour !



Chaque île est dirigée par un « Sahila » (chef de village) qui réunit très souvent, traditionnellement tous les soirs, la population de l’île pour le « congresso » : lors de cette assemblée les kunas passent en revue tout ce qui a eu lieu sur l’île pendant la journée (pour un congresso quotidien), règle les litiges entre les habitants et organise la vie de l’île. Le gouvernement panaméen pas plus que la police ne semblent intervenir et respectent en fait leurs décisions car la province est autonome.
Mais la civilisation est très tentante surtout pour les îles qui en sont les plus proches et dont les sahilas sont laxistes: ainsi beaucoup d’îles ont l’eau potable, certaines ont l’électricité et des téléphones publics ; leurs ulus sont le plus souvent dotés de beaux moteurs hors-bord ; la compagnie Digicel au moment de Noël est venue proposer des téléphones portables à des prix très bas et tous les jeunes se sont laissés tenter sans réaliser qu’ils n’allaient pas pouvoir les recharger, d’où des demandes constantes de jeunes kunas pour que les plaisanciers les leur rechargent !

Les indiens kunas sont très petits, à peine plus d’1m50 voire 1m60 pour les hommes et 1m30 ou 1m40 pour les femmes. Ils seraient les humains les plus petits après les pigmées.
Quelles que soient les îles les hommes sont tous habillés à l’européenne. Les femmes portent le plus souvent la tenue traditionnelle des femmes kunas : un corsage en mousseline avec des manches gigot sur lequel elles cousent des molas, un devant, un derrière, exactement semblable ou au plus très légèrement différents. Elles drapent un pagne en tissu à motifs imprimés par-dessus de courtes jupes ou bermudas. Elles portent un foulard rouge à motifs imprimés orange tout juste posé sur la tête. Elles ont des anneaux d’or aux oreilles et un petit au nez et parent leurs poignets et toute la longueur de leurs jambes ( qu’elles ont souvent très maigres !) de colliers de fines perles de couleur orange sur lesquels elles se débrouillent pour obtenir des motifs rouges ou noirs, en général des grecques et des croix gammées. C’est vrai pour les femmes à partir d’une trentaine ou quarantaine d’années, les jeunes filles préférant les jupes, jeans et bermudas.





























Il est interdit aux kunas sous peine d’exclusion d’épouser des non-kunas. Il y a de ce fait un gros risque de consanguinité et effectivement la population comporte une proportion importante d’albinos, heureusement parfaitement acceptés et intégrés mais souffrants bien évidemment beaucoup du soleil.






Ce petit garçon m'avait prise en amitié et m'a tenue par l'épaule tout le long de la balade sur son île. C'est lui qui m'a offert le collier que je porte sur la photo.








Pour ceux ou celles qui ne connaissent pas, quelques mots de ces merveilles de couture que sont les « molas » qui sont la spécialité des indiens kunas : ce sont des pièces de tissu d’environ 40 centimètres sur 30 comportant 3, 4 ou 5 épaisseurs de tissu de différentes couleurs mais uni et de ton vif, celui du dessus le plus souvent grenat ou orange sur lequel les femmes ( et quelques hommes, des travestis paraît-il !) font un superbe travail d’appliqué inversé, d’appliqué classique et de broderie. Les dessins traditionnels ( scènes de la vie de tous les jours, fleurs médicinales, oiseaux ou autres animaus fétiches… ) sont ceux qu’ils tatouaient sur leur corps avant que les missionnaires ne les encouragent à abandonner cette pratique et leur montrent comment transférer ces dessins sur leurs vêtements. Ensuite les kunas se sont aussi inspirés de ce qu’ils voyaient autour d’eux pour créer de nouveaux modèles, hélicoptères, voiliers…

Venancio et Liza sont deux "master mola makers" très connus. Ils sont venus nous proposer leurs molas sur le bateau. Liza est paraît-il travestie!...






















































































Il est bien évident que nous n’avons pu visiter toutes les îles ! Pour ceux de nos amis qui connaissent déjà ces îles et pour ceux qui les connaîtront un jour ou l’autre voici le trajet que nous avons fait ( les mots soulignés correspondent à des îles habitées) :
Corazon de Jesus (où nous avons pris Charles), Green Island, Guariadup dans les Central Naguargandup Cays , Banedup dans les Eastern Lemon Cays, El Porvenir, Carti Sugdup et Carti Yandup ( la mieux entretenue et la plus fleurie) sur les Carti Islands, Kalugirdup et BBQ Island sur les Eastern Hollandes Cays, puis une grande navigation côté atlantique pour rejoindre au plus vite Mamitupu avec un arrêt à Mamaraga près de Snug Harbour où nous nous sommes rabattus après avoir essayé de nous arrêter à Aridup où la houle ne nous a pas permis de rester, Mamitupu où nous avons passé le réveillon du Jour de l’An (très frugal mais inhabituel et très sympa avec nos amis et une famille kuna), puis retour sur Corazon de Jesus (pour déposer Charles à l’aéroport) en passant le long de la côte cette fois-ci avec arrêts à Mono Island et Niadup dans les Devil Cays, puis une dernière île pour Charles, Tiadup sur les Coco Bandera Cays, Corazon de Jesus et son aéroport, puis, sans notre fils et pour retrouver nos amis, de nouveau BBQ Island sur les Eastern Hollandes Cays, Gunboat Island ( habitée par deux familles kunas seulement dont une fort sympathique!) , El Porvenir pour les formalités et, derniers îlôts visités avant de quitter le Kuna Yala, les Chichime Cays.

Il a fait beau les dix premiers jours, beaucoup moins les dix suivants. De façon générale au Kuna Yala, plus on se rapproche de la côte plus le ciel est couvert, plus il bruine ou même pleut. Mais si l’on veut rencontrer des indiens kunas il faut bien aller vers la côte ! Il paraît que cette année a vu un climat très inhabituel pour la saison, couvert et pluvieux beaucoup plus tôt que de normal. Le continent sous la bruine et les nuages vu du Kuna Yala peut d’ailleurs être fort beau.


A bientôt pour de nouvelles aventures... comme dirait notre frère et beau-frère Philippe!Prochaine étape et prochain article : l'île Linton et la marina Panamarina.



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