dimanche 8 août 2010

les Tuamotu

L’archipel des Tuamotu situé au sud des Marquises comporte 76 îles ou plutôt « atolls », des sortes d’anneaux de corail à fleur d’eau, plantés de cocotiers et enserrant un lagon central. Ils sontdispersés sur 1500km du nord-ouest au sud-est et 500km d’est en ouest.





C'est ce que l'on voit quand on approche d'un atoll. Il faut avoir de bons yeux!

Sur ces atolls quelques villages, parfois un seul voire même juste une famille, donnent sur des eaux allant du bleu outremer le plus profond au turquoise le plus lumineux.


On accède à ces atolls et on en ressort par des passes plus ou moins profondes, plus ou moins larges, en tenant compte des heures de marée car on y trouve des courants importants et, dans certaines, des « mascarets ».


La passe de Kauehi. Regardez bien : on voit Sundance, le bateau de nos amis, au beau milieu de la passe



Nous avons consacré presqu’un mois à la découverte de cet archipel. Nous avions décidé de visiter peu d’atolls mais d’y rester à chaque fois plusieurs jours afin de bien les visiter, de découvrir leur faune, de rencontrer les habitants, de les voir vivre …



Les paysages des atolls sont très particuliers : des plages de sable corallien, plus ou moins fin selon les endroits, allant du blond au rose ; derrière elles, des cocoteraies bien entretenues ou laissées à l’abandon quand elles sont trop loin des habitations ou que ceux-ci en possèdent beaucoup, derrière encore des arbres autres que les cocotiers, de la mangrove puis on atteint l’extérieur de l’anneau et on découvre le platier de l’atoll sur lequel se fracassent les puissantes vagues de l’océan.




Nous avons ainsi « fait » quatre atolls de l’ouest : Kauehi, Kakarava, Toau et Apataki.


KAUEHI

Nous avions choisi d’atterrir à Kauehi car le guide nautique disait que la passe était facile d’accès pour une première arrivée sur les Tuamotu. En fait elle a été la passe la plus impressionnante , la plus mouvementée de toutes celles que nous avons empruntées : fort courant de face à l’entrée et grosses vagues et puissants remous à la sortie. Pourtant nous avions respecté les horaires de marée !



Il nous a fallu une heure et demie de navigation au moteur pour rejoindre le village de l’autre côté du lagon !
Nous avons trouvé devant le village un mouillage très calme.


En vue du village juste avant de mouiller


Un récif où nous avons passé des heures à admirer les poissons et coraux




Petite frayeur lors du premier bain : de petits requins tournaient autour des bateaux ! En fait il s’agissait de rémoras, poissons parasites de cinquante cm à un mètre qui se collent aux requins et autres gros poissons et se nourrissent des débris qu’ils laissent.


On voit très bien la ventouse qui leur permet de se fixer sur les autres poissons


Le village de Tearavero comporte 200 habitants. La plupart des maisons sont construites de part et d’autre d’une route bétonnée qui longe le lagon sur deux kilomètres environ. Il y a très peu de voitures. La plupart des gens se déplacent à pied, en vélo, quelques-uns en moto.


Devant l'école


L 'église de Kauehj est juste en face du débarcadère. Son intérieur est entièrement décoré avec des nacres et autres coquillages.



Autres lieux importants : la mairie et la poste.

l'intérieur de la mairie


La jolie poste

Notre premier contact a été avec le « mahu » local (un homme efféminé mais qui reste habillé en homme) qui nous a demandé de lui faire des photos d’identité pour son dossier de retraite : pas de problème depuis que nous avons une imprimante à bord.

Ensuite ce furent les enfants qui nous ont abordés : deux petits garçons d’abord et surtout deux petites filles délicieuses, deux amies, Te Vahine (11 ans, en CM2) et Kanihe (9ans, en CE2). Elles nous ont demandé si elles pouvaient visiter le bateau. Ce qui fut fait après que nous ayons demandé aux mamans la permission de les emmener.


J'ai oublié leurs noms. Dommage!


Agenouillée Te Vahine, debout Kahine à l'avant de Yovo



Une camarade de classe de TeVahine, bien jolie elle aussi.


Grâce à elles et à Isabelle, la tante de Te Vahine dont nous parlerons plus tard, nous avons été introduits dans une famille paumotu.

Ils nous ont invités d’abord à goûter au « pain de nono » fait avec le « nono », la partie de la noix de coco qui remplit la cavité de la noix dès qu’elle commence à germer, à laquelle ils ajoutent de la farine et du sucre, donnent une forme de boudin et qu’ils font cuire à la vapeur enveloppé dans des feuilles de palmier. Le lendemain dimanche ils nous ont invités à partager leur déjeuner : eau et chair de coco frais en apéritif , viande au barbecue, riz au maïs et gâteaux. Rien de particulièrement exotique mais nous avons appris beaucoup sur la vie aux Tuamotu.

Isabelle à gauche, Regine et Cook ,le frère d'Isabelle à droite.


La très jolie maison traditionnelle d'Andrea, la maman d'Isabelle et de Cook, absente le jour où nous avons été invités

Comme beaucoup d’enfants dans les îles de la Société Te Vahine n’est pas élevée par ses parents mais par un autre membre de sa famille, son oncle Cook dans son cas, à qui elle a été confiée, voire « donnée » quand elle était bébé. Cette pratique est très ancienne et est désormais interdite par la loi mais perdure par exemple quand la maman est trop jeune ou encore quand un couple pense qu’ils vont avoir des difficultés à élever l’enfant à venir.



Nous avons aussi rencontré Dany qui possède des cocotiers et que nous avons trouvé en train de préparer du coprah. Isabelle, la tante de Te Vahine, récupérait le « nono » après qu’il ait fendu les noix pour les faire sécher. C’est elle qui nous a parlé du nono, du pain de nono et nous a proposé de venir goûter le goûter chez sa mère.



Nous avons aussi fait la connaissance de Taverio, homme d’une bonne soixantaine d’années à la retraite et qui s’occupe et arrondit ses fins de mois en polissant et en sculptant des nacres. En fait presque tous les habitants de l'île fabriquent des bijoux ou des éléments de décoration en nacre et/ou en coquillage.


Nous sommes aussi allés rendre visite à une famille de pêcheurs, à l’origine pour leur acheter du poisson. Ils revenaient de la pêche au mérou dans la passe d’Arikitamiro (par où nous étions arrivés), avaient ramené 200 mérous et étaient en train de les apprêter pour les expédier sur Tahiti. Toute la famille était au travail : les uns levaient les filets, les autres les brossaient, un troisième les enveloppait par quatre dans du scelofrais en vue de les surgeler en attendant l’arrivée de la goélette qui les emmenerait à Tahiti. Le lendemain ils ont ramené 120 mérous. La pêche au mérou ne se pratique qu’un mois par an mais tous les jours et pendant la période de reproduction ! En quittant l’île nous avons vu sept bateaux en train de pêcher dans la passe. S’ils ramènent chacun autant de poissons cela fait une moyenne de mille mérous par jour pendant 30 jours : restent-il suffisamment de mérous pour perpétuer l’espèce ?!



Par Jocelyn qui est médecin nous avons également rencontré Rava, la très sympathique assistante médicale de l’île. Il n’y a pas de médecin sur Kauehi et elle assure à elle seule tout le service médical. Elle travaille aussi à la ferme perlière familiale et nous a montré comment ils greffent les nacres, expliqué comment ils les élèvent et présenté leur production de perles noires, gris nacré en fait avec des nuances de toutes les couleurs, du champagne, au vert en passant par le rose et le bleu. Un émerveillement ! Rava nous en a vendu à un prix vraiment très correct et nous a donné l’adresse de sa sœur jumelle Reva qui habite Tahiti et monte les perles chez elle le soir.

Les fermes perlières sont le plus souvent installées sur le lieu de travil dion dans le lagon sur pilotis



Reva nous montre la partie de la nacre où elle va prendre les greffons


Rava choisit la partie de la chair qui donnera la plus belle couleur à la perle


Un échantillonnage de perles dites de Tahiti alors que la plupart viennent des Tuamotu


les supports des naîssains nettoyés et mis à sécher


Tearavero possède deux épiceries dont la principale est tenue par le maire. Un matin comme il partait en tournée sur l’atoll il nous a proposé de nous emmener. En chemin il nous a parlé de ses réalisations en tant que maire, de ses projets personnels et du manque d’énergie et d’ambition des habitants de l’île et des Paumotu en général.

L'épouse du maire à la caisse de l'épicerie


Deux jours avant notre départ en nous baladant Anne (de Sundance) et moi sommes tombées sur un spectacle qui nous a ravies : une maman ( la belle-soeur de Rava en fait) était en train d’entraîner tout un groupe d’enfants et adolescents (2/3 de filles et 1/3 de garçons) à des danses traditionnelles en vue des fêtes du Heiva qui ont lieu tout le mois de juillet dans toute la Polynésie. J’en reparlerai plus précisément dans l’article sur Tahiti. Il fallait voir les filles , même les petites comme Kanihe, « rouler leur derrière », comme elles disaient ! Elles se débrouillaient vraiment déjà très bien !

Les grandes ...

... et les petites.


Enfin Kauehi nous a aussi beaucoup plu car nous y avons vu de très beaux coraux, certains que nous n'avions encore jamais vus comme celui-ci de forme tabulaire, ...

et des poissons de belle taille, en grand nombre et très variés...



... beaucoup de mérous en particulier, le plus souvent le "mérou camouflage"...

... et aussi d’innombrables bénitiers aux lèvres veloutées de toutes les couleurs, de bleu nuit ponctués de bleu turquoise, des vert clair striés de noir, des beige ourlés de plusieurs tons de brun, et pas une robe semblable à l’autre. Un ravissement !




De plus à chaque séance de snorkeling nous avons eu la visite de requins, des « pointes noires » ou des « pointes blanches » le plus souvent, des requins curieux mais inoffensifs. Il m’aura néanmoins fallu un peu de temps pour m’y habituer et finalement apprécier! C'était le première fois que nous faisions des photos sous-marines : les photos manquent de contraste et sont souvent surexposées mais nous promettons de faire mieux la prochaine fois!

Kauehi est certainement l’île des Tuamotu que nous avons préférée, peut-être parce que c’était la première mais surtout parce que c’est celle où nous avons eu le contact le plus long et le plus chaleureux avec la population. Mais toute bonne chose a une fin et au bout de huit jours nous avons continué sur Fakarava, à une trentaine de milles au sud ouest de Kauehi.

Fakarava, Toau et Apataki seront l'objet de notre prochain et dernier article sur les Tuamotu.










Les Iles Marquises 2ème partie : Les îles du groupe sud, Ua Pou, Ua Huka et Nuku Hiva

Donc après les Marquises du sud, celles du nord : Ua Pou (prononcer "po ou" : on nous a repris plusieurs fois!), Ua Huka et Nuku Hiva.

UA POU


L’arrivée sur Ua Pou a certainement été pour nous l’une des plus impressionnantes : en effet une dizaine de gigantesques cheminées de lave se dressent telles des donjons au centre de l’île. Elles sont la plupart du temps dans les nuages mais nous avons eu la chance de les voir bien dégagées à plusieurs reprises.








Yovo est le bateau du milieu!


Mettre pied à Hakahetau est très facile depuis qu’une digue arrêtant efficacement la houle et un quai équipé d’une échelle bien faite ont été aménagés. Ce n’est pas le cas de toutes les baies, quand il y en a une ! Dans certaines la digue insuffisamment longue ou mal orientée laisse entrer les trains de houle qui rendent l’atterrissage sportif voire dangereux ou même impossible certains jours. Il y a une dizaine d’années, et même moins, il n’y avait ni jetée ni quai et il fallait sauter sur les rochers qui en faisaient fonction au plus haut de la vague ! Et quand il y avait des colis à décharger, par exemple lors du passage des « goélettes » ( c’est ainsi qu’ils continuent d’appeler les cargos qui les ravitaillent), je vous laisse imaginer la difficulté de la chose! Lorsque les conditions rendaient le débarquement impossible les habitants du village devaient se passer d’approvisionnement et attendre le passage du bateau suivant.


Etonnant rocher tout près du débarcadère


Quand nous avions mouillé le premier jour un jeune en pirogue à balancier qui s’entraînait près du bateau nous avait dit que son père Etienne « faisait » éventuellement taxi et nous sommes partis à la recherche de sa maison « là-haut dans les cocotiers ». Effectivement nous l’avons trouvé et nous sommes mis d’accord pour aller avec lui jusqu’à Hohoï au sud-est de l’île. Rendez-vous le lendemain à 9h, juste après la messe. Il nous a ramenés et déposés au restaurant du coin, chez Pierrot, un « farani »(= français) marié à une marquisienne Rose. Le cuisiner Pierrot était absent et c’est Rose qui, alors qu’elle ne cuisine habituellement pas, nous a régalés d’une tranche de thazard et de riz au coco.


Le lendemain, dimanche de Pentecôte, nous sommes allés à la messe et avons découvert avec surprise que c’était Etienne qui officiait! Comme il n’y a pas de prêtre sur l’île il est une sorte de diacre ou de sous-diacre à qui l’évêque a donné le droit de dire la messe. Chaque semaine des chœurs se relaient pour animer la messe, des chants où les hommes et les femmes se répondent : très beau !





Et nous voilà partis dans le 4x4 pas bien récent d’Etienne pour une heure d’une piste épouvantable! De toutes les îles Ua Pou est de loin la moins bien lotie en équipements routiers. La faute à la municipalité actuelle, nous a dit Etienne, qui, nous l’avons appris plus tard, a lui-même été en son temps maire de l’île ! Mais la balade en valait la peine!


Une des baies de la côte est


Hohoï se trouve au sud de l’île où la végétation luxuriante forme un contraste saisissant avec l’aridité des plateaux du nord d’où nous venions.

La vallée de l’Hakaohoka (oui, c'est bien difficile à prononcer avec toutes ces "o" et ces "a"et si peu de consonnes sur lesquelles s'appuyer!) qui s’ouvre sur la baie de Hohoï abonde en sites archéologiques enfouis dans la végétation. Des archéologues y ont dénombré plus de 2500 pétroglyphes ! Cette zone était naguère très peuplée mais est devenue totalement déserte dès 1860 après qu’une épidémie de variole, amenée par les européens, en ait décimé la population. Ce fut le cas dans les autres îles mais Ua Pou aurait été la plus touchée.


Actuellement seul le « tohua » Mauia qui accueillait diverses cérémonies publiques des temps anciens a été mis en valeur à l’occasion du festival des Arts des Iles Marquises en 2007. On y retrouve l’esplanade rectangulaire, les gradins de part et d’autres, quelques plateformes surmontées de paillotes avec des tiki et des poteaux sculptés, récents et à divers stades d’achèvement.





Sacrilège! Adeline serait installée sur une plateforme autrefois réservée aux chefs





























Ensuite arrêt pour un jus de fruit chez une amie d’Etienne qui se trouve, le monde est petit, être la fille de Turiana rencontrée à Omoa (Fatu Hiva) puis pique-nique près de la plage où nous avons trouvé les fameux « galets fleuris », en fait des phonolites dont la cristallisation prend la forme de fleurs ambrées. Les sculpteurs les utilisent et leur donnent des formes de pilon, de tortues ou de tiki... Les photos ne leur rendent pas vraiment justice! Sorry!






Au retour, Etienne nous a arrêtés d’abord dans la baie et port d’Hakahau, la capitale, beaucoup moins jolie que celle d’Hakatehau mais d’où l’on a une jolie vue sur les pitons puis nous a conduits au point de départ d’un chemin menant après une demi-heure de marche à une jolie cascade. Chaque village des Marquises, généralement installé sur ou à proximité du village ancien, possède la sienne qui fournit la rivière qui le traverse. Très jolie mais peu abondante à cause de la sécheresse que sévit en ce moment sur les îles.



Paul et le petit-fils d'Etienne, un vrai filou!





Le lendemain farniente et balade dans le village. Dans les villages en fin d’après-midi les jeunes se regroupent par tranche d’âge. Les enfants, assez livrés à eux-mêmes quand ils ne sont pas à l’école, jouent dans la rue principale, pêchent, se baignent dans les rouleaux, font des sauts périlleux depuis la digue, les adolescents et jeunes hommes jouent très souvent au volley-ball, certains fument le « pakalolo » ou « paka », la marijuana locale, les femmes préparent les arrangements floraux pour la messe du dimanche et vont à l’église pour des prières menées tous les soirs par le « chef de prières ».





A la gauche de François un des fils d'Etienne et ses copains dans les brumes du pakalolo!


Nous n'oublierons pas les enfants de Ua Pou si gentils et si souriants.

















Quelques séances de farniente à bord de Yovo avant de lever l'ancre à nouveau. Île suivante : Ua Huka plus au nord.










Nous avons décidé d’aller à Ua Huka en passant par le sud de Ua Pou afin de voir ses deux côtes ouest et est et tout au sud l’îlot Takaae aux couleurs et au relief inhabituels. Nous y avons fait du snorkeling : à peine étions nous dans l’eau que deux grandes raies manta sont passées tranquillement à côté de nous !









UA HUKA


A Ua Huka seule la côte sud offre des mouillages abrités, trois baies dont la Baie de Vaipaee dite Baie Invisible

a car son entrée étroite et sa forme recourbée empêchent d’en voir le fond depuis le large. C’est là que nous avions choisi de mouiller l'ancre.

A quelques milles avant cette baie deux îlots, le motu Teuaua et le motu Hemeni dont on a du mal à comprendre comment ils peuvent être aussi différents l’un de l’autre alors qu’ils sont si proches ! Un point commun cependant : ils sont le lieu de rassemblement et de ponte de dizaines de milliers d’oiseaux, principalement des sternes. Il faut les entendre crier et les voir virevolter autour des deux îlots !







Il n’y a dans la Baie Invisible de place que pour un seul bateau : la baie était donc à nous ! Vaipaee est la capitale (entendre par là « village principal ») de Ua Huka et nous sommes allés nous y balader.

(photo à ajouter)


Le village bien propre s’étire le long de la route qui pénètre à l’intérieur de l’île et relie les trois baies : quelques maisons, un terrain de football, un épicerie et une jolie mairie…


La mairie de Vaipaee


Des artistes locaux dont un sculpteur réputé étaient en train de décorer un mur du jardin de la mairie de symboles marquisiens dont certains que l’on retrouve sur les tatouages. La croix marquisienne y y bien représentée.





Nous les avons regardé travailler et une dame de la mairie est venue discuter avec nous. Elle nous a montré une allée bordée de divers spécimens d’agrumes, tous originaires de Corse, dons de l’arboretum de Ua Huka. Elle nous a aussi accompagnés au musée donnant sur le jardin de la mairie, un musée très intéressant possédant de très belles pièces anciennes représentatives de la culture et de l’artisanat de ces îles. Les marquisiens ont de tous temps été d’exceptionnels sculpteurs : encore de nos jours ils travaillent la pierre, le bois, l’os et leur travail est particulièrement fin et original .

Un casse-tête



Une rame de cérémonie


Une parure de tête (si je me souviens bien...) en os et bois sculptés



Colette nous a conseillé d’aller visiter les deux autres vallées et l'arboretum et comme nous lui expliquions que nous disposions de peu de temps car Paul et Adeline devaient reprendre l’avion pour la France sous peu, elle nous a donné les clés de son 4x4 en nous demandant seulement de rentrer vers quinze heures. Qui ferait cela en France? Nous l’avons chaleureusement remerciée! Elle s’appelle Colette Brown et nous croyons avoir compris qu’elle prêtait ainsi souvent sa voiture aux touristes de passage pour pallier l’absence de taxis à Ua Huka. Cela nous laissait quatre heures pour découvrir la côte sud depuis l’intérieur.



Colette et François devant une sculpture en tuf symbolisant l'accueil et le partage



le 4x4 tout neuf prêté par Colette


Premier arrêt : l’Arboretum qui fait la fierté de l’île et où des centaines d’espèces d’arbres du monde entier sont acclimatées et cultivées entre autres les fameux agrumes venant de Corse.



Certains plants ne parviennent jamais à s’adapter, d’autres en revanche s’épanouissent et donnent des rendements bien supérieurs à ceux du pays d'origine, nous a dit un des employés ! C'est particulièrement vrai pour les agrumes de Corse.

Le but ou du moins le désir de ceux qui gèrent ce sanctuaire végétal est de motiver les marquisiens, de les aider à diversifier et améliorer leurs productions. Il nous a confié que c’était un travail de longue haleine et un peu frustrant car les Marquisiens sont en général peu entreprenants, peu enclins à travailler la terre alors que ( ou peut-être parce que) la nature est là-bas très généreuse. Effectivement aux Marquises il suffit, en ce qui concerne les fruits, de tendre la main pour cueillir les bananes, les pamplemousses, les citrons, les mangues, les papayes, les caramboles, les avocats, les noix de coco, les fruits à pain... ces derniers formant la base de leur alimentation. Un jeune nous a expliqué qu’ils ne montaient pas aux arbres pour récupérer les noix de coco pour faire le coprah : pourquoi se fatiguer puisqu’elles vont tomber un jour ou l’autre! Ils devaient le faire autrefois : comment expliquer sinon les compétitions de grimper aux cocotiers lors du Heiva?

Ainsi, alors que la terre est on ne peut plus fertile ils ne cultivent pas de légumes : d’abord ils en mangent très peu ( ce qui est une des causes de l’obésité de la population) et ils préfèrent acheter des conserves au magasin! Exception faite de quelques familles qui font du maraîchage, par exemple à Terre Déserte sur Nuku Hiva. Les ancêtres des marquisiens avaient, eux, des jardins établis le long des rivières avec tout un système de captage de l’eau et d’irrigation. La plupart des marquisiens des petits villages, vivent de ces fruits que leur offre la nature, de la pêche et de la chasse (chèvre, cochon…).


Après l’Arboretum nous avons rejoint la côte très belle avec le contraste entre le noir des roches basaltiques et le bleu turquoise de la mer puis la baie de Hane gardée par l’imposant îlot en pain de sucre , le motu Hane, et enfin la baie de Hokatu.




Le motu Hane


A Hane le « mahu » local ( mahu = homme efféminé qui au contraire du "rere" ne se travestit pas) nous a ouvert le mini musée maritime (exposant des pirogues traditionnelles et du matériel de pêche des temps anciens)



et le centre artisanal adjacent où nous avons acheté quelques jolis colliers de graines et deux « umete », plats sculptés dans le bois et de forme adaptée utilisés par les marquisiens pour faire mûrir les fruits.


(photos à insérer)


Les épiciers du coin avec qui nous avons taillé une petite bavette n’ont jamais voulu nous laisser partir sans que nous emportions quatre magnifiques pamplemousses que le monsieur est allé cueillir sur l’arbre pour nous. A Hokatu, le dernier village au bout de la route nous avons vraiment eu l’impression d’être arrivés au bout du monde !


Nous avons quitté Ua Huka dont nous gardons le meilleur souvenir pour notre dernière escale, Nuku Hiva, la plus grande des îles des Marquises, la capitale.



NUKU HIVA



Venant de Ua Huka nous passions devant la Baie du Contrôleur où beaucoup d’amis nous avaient conseillé de nous arrêter.


Juste avant la Baie du Contrôleur


En fait elle comporte elle-même trois baies et nous avons choisi de mouiller dans celle du milieu, la Baie de Hakapaa ou Baie de Taipivai, là où Herman MELVILLE, matelot sur un navire baleinier, déserta et débarqua en 1842. Il y passa six mois dans la tribu des Taipivai, de féroces guerriers, expérience qui donna naissance à deux romans Taipi et Omoo.



A marée haute et en fin d’après-midi, donc avec une belle lumière, nous avons remonté la rivière en annexe sur près d’un kilomètre, une très jolie balade.



Puis nous avons amarré l’annexe à un petit quai au centre du village et continué à pied. Toujours la même propreté et le même souci de fleurir les bords de route.



A notre grand soulagement nous avons trouvé les descendants des farouches guerriers du XIXe très tranquilles et souriants jouant à la pétanque !



Nous ne nous sommes pas attardés car il restait peu de jours à Paul et Adeline et nous avions encore beaucoup de choses à faire, entre autres visiter l’intérieur de l’île. Donc dès le lendemain nous sommes repartis sur Taiohae, la capitale de Nuku Hiva et des Marquises.


Vive les pilotes électriques qui permettent aux navigateurs de lire pendant les traversées!




En chemin nous avons pris un très beau thazard ( c’est délicieux !) d’ 1m10 et nous avons été accompagnés par des dauphins, un spectacle dont on ne se fatigue jamais!




L’entrée de la Baie de Taiohae est très large (près d’un kilomètre et demi) et est balisée par deux îlots rocheux, la Sentinelle Est ( 80m) et la Sentinelle Ouest (120m). Le fond de la baie fait 3km500 ! Ce n’est pas le plus sauvage des abris des Marquises mais c’est l’un des plus sûrs sauf par vent du sud. De toute évidence il correspond à une caldeira effondrée et le paysage que l’on a autour de soi depuis le mouillage est grandiose.




Au premier plan la sentinelle est, au deuxième plan, un peu à gauche, la sentinelle ouest



Taiohae depuis le mouillage



La baie de Taiohae depuis un belvédère dans les hauts de l'île


Pour le navigateur l’avantage à Nuku Hiva est que le bourg de Taiohae ( 1700 habitants, est tout de suite là, à deux pas du quai des annexes. Pas besoin de faire de stop ni d’appeler un taxi comme à Hiva Oa!

D’abord on découvre un petit centre nautique, un club de plongée, quelques boutiques d’artisanat et deux snack-bars/restaurants puis un petit marché couvert, un office du tourisme et un centre artisanal. Un peu plus loin, sur la route qui longe la baie, à droite, la prison puis quelques administrations dont la gendarmerie. A gauche sur cette même route une Maison de la Presse, un coiffeur, quelques autres bureaux et commerces, une boulangerie et une pizzeria tenue par un « rere ».

Ensuite on passe devant la cathédrale Notre-Dame-des-Iles-Marquises qui domine un ancien lieu sacré, le Tohua Mauia, avant d’arriver à deux supermarchés dont un assez moderne. Une quincaillerie et une pharmacie dans des rues perpendiculaires à la côte demandent une bonne demi-heure de marche !


Ce tiki installé près de la marina accueille les navigateurs et autres touristes.



En direction de la cathédrale et des supermarchés...


... par la route...



... ou par le bord de mer



Un Saint-Pierre marquisien vous accueille à la porte de la cathédrale

...

























Croix marquisiennes



Entre la route et la plage, une belle esplanade aux pelouses bien entretenues et balayées tous les jours a été aménagée en musée de la sculpture moderne en plein air. Y sont présentées diverses œuvres d’artistes locaux et de l’île de Pâques, de magnifiques tiki et autres sculptures intéressantes.



Comme à Hiva Oa nous avons loué un 4x4 pour faire le tour de l’île. Nous avons pris la route du nord qui offre plusieurs magnifiques points de vue sur la baie de Taiohae. Puis nous avons pris l’embranchement qui mène au nord-ouest de l’île et traverse le Plateau de Toovii. Là, de vastes prairies où paissent des bovins alternent avec des plantations de conifères.



Après ce plateau on pénètre dans une zone belle mais aride appelée à juste titre Terre Déserte.



C’est là que l’aéroport a été construit, à l’autre bout de l’île, à deux heures de Taiohae dont une bonne demi-heure d’une piste très inconfortable par temps sec et inutilisable par temps de pluie !

C’est là aussi que se sont installés les seuls maraîchers de l’île, ceux qui fournissent le marché couvert de Taiohae en légumes frais tous les mercredis et samedis. Dès quatre heures du matin ils arrivent et déchargent tomates, choux, concombres, carottes, aubergines, salade, oignons verts… et sont dévalisés par certains locaux dès cinq heures. Les navigateurs qui veulent faire provision de ces denrées rares aux Marquises ont intérêt à se lever de bonne heure ! A Hiva Oa on pouvait acheter quelques fruits et légumes auprès d’une dame réunionnaise qui installait sa camionnette dans la rue principale ou auprès d’un français, un chti marié à une tahitienne, qui venait au port tous les matins. Mais rien de comparable à ce que l’on trouve au marché de Taiohae. Quant aux autres îles aucun légume frais à acheter en dehors d’oignons, d’ail et de carottes dans les épiceries. Pour les fruits, comme je l’ai déjà dit, pour peu que vous discutiez un peu avec eux, les gens vous en offre très souvent. Pour nous c’était la saison des bananes au parfum délicat, rien à voir avec celles qui nous parviennent en France, et surtout des pamplemousses.


Mais revenons à la visite de l’île !

Nous avons poussé jusqu’à l’aéroport, ce qui nous a permis de confirmer le billet retour de Paul et Adeline et d’assister à l’arrivée d’un groupe de touristes accueillis à grand renfort de colliers de fleurs et au départ d'autres couverts de colliers de coquillages!


De là nous avons continué la balade vers le nord-est de l’île par une piste encore plus défoncée que celle pour l’aéroport mais qui nous découvrait à chaque tournant une vue tantôt sur la montagne tantôt sur la mer plus belle que la précédente, les Baies d’Hakaeu et d’Hakaea et celle d’Hatiheu où nous avons passé quelques heures.


La baie d'Hakaeu



Celle d'Hakaea


En route vers Hatiheu


On approche!



Il était l'heure de déjeuner : le restaurant d’Yvonne à Hatiheu où on nous avait recommandé de nous arrêter était fermé car nous y étions un dimanche. Dommage car la célèbre Yvonne, une des fortes personnalités de l’île est toujours prête à parler de sa vallée et de façon plus générale de la culture marquisienne traditionnelle, son cheval de bataille ! Nous n’avions pas prévu que le restaurant puisse être fermé mais par bonheur une association locale avait organisé un loto avec restauration et nous avons pu en profiter. Nous avons donc déjeuné en regardant les gens jouer au loto qui fonctionne un peu comme la « tontine » en Afrique.



Nous nous sommes baladés dans ce site exceptionnel.



















Au XIXème siècle les habitants ont, à grand mal très certainement, monté une vierge tout en haut de l'un des pics qui domine le village.








Nous avons marché le long de l'anse très belle et avons regardé les enfants s'ébattre dans l'eau et les adultes ramener une barque au sec.






Paul et Adeline pensaient déjà au départ qui approchait..



Avant de reprendre la route nous avons visité les deux sites archéologiques de la vallée, le site de Kamuihei et celui de Hikokua.

Le premier restauré en 1998 rassemble tous les éléments architecturaux que l’on peut rencontrer aux Marquises : pae pae (= plateformes d’habitations en gros blocs de lave), tohua (= lieu de festivités et de réunion), meae (= plateformes ou sites religieux), ua ma (= fosses alimentaires de stockage, principalement du fruit à pain), petroglyphes et banians ( arbres sacrés). Le site est très vaste et spectaculaire. Il n’a pas encore pu être daté au contraire de celui d’Hikokua, tout proche, qui daterait de 1250 et aurait été utilisé jusqu’au siècle dernier.



un "ua ma"
.
Un autre "ua ma"... les marquisiens en tapissaient les parois de feuilles de bananiers, y tassaient des fruits à pain et ceux-ci pouvait être consommés plusieurs années après. Ils étaient donc un élément important de la vie aux marquises en particulier en période de famine.








Ces plateformes était des lieux d'exposition. On y montrait par exemple les tatouages que l'on venait de se faire faire ou on y déposait les victimes que l'on venait de sacrifier...







Le cadre de ce dernier est magnifique : on distingue à travers les cocotiers les pics qui dominent la baie d’Hatiheu. Autrefois lieu de festivités et de sacrifices humains ce site sert maintenant d’écrin à des sculptures anciennes et à des œuvres récentes d’un artiste local et il prête aussi son décor à des danses traditionnelles exécutées par les habitants d’Hatiheu notamment lors du passage des touristes de l’Aranui, le cargo mixte fret et passagers qui passe dans les îles marquisiennes toutes les trois semaines. C’est un de nos regrets : nous n’avons pas pu assister à des danses traditionnelles! Peut-être à Papeete où nous serons en juillet pour l’Heiva…





Pour revenir nous avons fait un petit crochet par Taipivai où nous avions mouillé le jour de notre arrivée à Nuku Hiva et par Hooumi, le village tapi au fond du premier fjord de la vaste baie du Contrôleur, un village qui a gardé un très grand nombre de ses pae pae. Comme nous nous étonnions qu’ils ne construisent pas leurs maisons sur les plateformes surélevées de leurs ancêtres, bien pratiques en cas de pluies, les habitants nous ont expliqué que c’étaient des lieux sacrés pour eux et même « tapu » ( = tabou !)...


Bord de la rivière qui traverse Hooumi


Il fallait faire vite et à peine avions nous fini notre balade autour de l’île que nous sommes repartis en voilier jusqu’à une baie à l’ouest de Taiohae, la majestueuse Baie d’Hakatea dominée à l’ouest par un très haut rempart basaltique ( 800m !) creusé par les éléments et recouvert d’une épaisse végétation dans laquelle se cachent chèvres et cochons sauvages.



Adeline est maintenant tout-à-fait à l'aise sur le bateau!



Nous voulions aussi visiter au fond de la baie le village d’ Hakaui et remonter la vallée jusqu’à la cascade de Vaipo. Hakaui est un des plus jolis que nous ayons vus. Deux, trois familles seulement y habitent maintenant et leurs maisons sont dissimulées derrière des jardins fleuris et des arbres fruitiers. Malheureusement il n’y avait personne au village quand nous y sommes passés sauf un vieux bonhomme peu avenant dont nous avons appris plus tard qu’il s’agissait d’un nationaliste ! La route se poursuit en un chemin qui serpente à travers une sorte de jungle où les nombreux vestiges ( pae pae, meae etc…) rencontrés en route laissent à penser qu’autrefois la totalité de la vallée était habitée et pas seulement le tout début comme maintenant. Une jolie balade ...






Les chevaux sont toujours présents aux Marquises.





Une déception à l’arrivée, mais nous nous y attendions, étant donné que la saison des pluies continuait de se faire désirer, cette cascade, comme les autres, était quasiment à sec ! Mais quelle hauteur ! Dans le petit lac au pied de la cascade nous avons trouvé, comme toujours, des écrevisses et des anguilles de taille respectable qui nous ont fait abandonner l’idée de nous y baigner !







De retour au bateau une balade en annexe dans la baie nous a permis de voir des raies manta nageant tranquillement en surface.




C'est la seule que nous ayons réussi à prendre en photo!


Avant de quitter les Marquises nous avons eu la chance d’assister à Taiohae à une compétition de pirogues inter-îles. Il s’agissait là de grandes pirogues à balanciers pour six rameurs. Dans tous les villages des Marquises beaucoup de jeunes gens s’entraînent à la pirogue tous les soirs et c’est toujours un très beau spectacle depuis le mouillage. Les pirogues peuvent être des V1, (="Vaa" pour une personne), V2 ("Vaa" pour 2 personnes), V3, V6, V8, V12 et V16. "Vaa" est le nom des pirogues sur lesquelles sont venus les premiers polynésiens.




Puis est venu le jour, snif snif, où nous avons reconduit à l’aéroport nos deux jeunes ravis de leurs trois semaines aux Marquises.




Nous sommes restés encore quelques jours à Taiohae, le temps que Jocelyn de Sundance fignole l’alignement de son nouveau moteur de 100cv puis, après une brève escale à Kahaui ( Nuku Hiva) et à Hakahetau (Ua Pou) où Jo et Anne voulaient revoir une dernière fois des amis marquisiens, nous avons quitté cet archipel magnifique où nous serons personnellement restés un peu plus d’un mois et demi. Six semaines à nous gorger de paysages enchanteurs, reposants ou impressionnants, et à nous plonger dans la chaleur des contacts avec la population de ces îles les plus éloignées au monde d’un continent.

Nous sommes partis de Ua Pou pour notre destination suivante, l’archipel des Tuamotu à environ 500 milles ( un peu plus de 900 km) au sud-ouest des Marquises, les Tuamotu que nous narrerons dans notre prochain article.



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