mercredi 11 juin 2014

DU SUD DE LA MALAISIE A RODRIGUES

( du 5 mai au 5 juin 2014)

1 - Du sud de la Malaisie au détroit de la Sonde
(du 5 au 12 mai 2014)

Nous avions prévu de quitter la marina de Danga Bay le dimanche 4 mai mais les gens de la marina, qui avaient insisté pour se charger des formalités de sortie, ne s’en étaient pas occupés et nous avons dû les faire nous-mêmes le lundi matin !
Nous sommes donc partis lundi 5 mai à midi. Nous étions trois bateaux : ALIBI avec Jean-Pierre et son équipier Guy, JOLIE BRISE avec Rob, un australien de 75 ans plus ou moins en forme, comme son bateau, et YOVO avec nous deux.
Nous avions décidé d’un commun accord de longer la côte Est de Sumatra par la voie du milieu, celle que nous avions suivie pour monter en Malaisie en 2012.
Nous avons mouillé le soir-même dans l’embouchure du chenal ouest entre la Malaisie et Singapour. Au loin nous voyions les lumières de Singapour.



Le mardi 6 à 6h30 nous levions l’ancre.  Le jour se levait sur Singapour et une heure et demie après nous traversions le rail des cargos sans aucun problème.



Nous avons contourné l’île de Bantam (où en octobre 2012 nous avions fait les formalités de sortie d’Indonésie) et nous avons mouillé et passé la nuit au nord de l’île de Pangkil. 



Deux jours et demi de navigation plus tard nouveau mouillage pour la nuit sur l’île de Liat. Encore deux jours et quelques heures de nav’ et nous arrivions, le lundi 12 mai,  à une presqu’île  à l’ouest de Java, juste à la sortie du détroit de la Sonde, à la pointe Layar. C’est là que nous avons passé la nuit avant la grande traversée qui nous attendait.


7 jours donc pour descendre la côte Est de Sumatra, pendant lesquels il nous a fallu jongler entre progression et consommation de gasoil tant le vent se faisait désirer. La zone est réputée pour cela et nous avions emmené près de 400 litres de gasoil.

Deux jours après notre départ, Rob, avec qui nous étions en contact VHF, nous a annoncé qu’il avait  bien réfléchi, qu’il sentait que dans sa condition physique et celle de son bateau il était plus raisonnable qu’il abandonnât son projet de traversée de l’Océan Indien en solitaire et qu’il allait rejoindre l’ East Malaysia Rally qui venait de partir en direction de Bornéo dont il n’était pas si loin. Les équipages d’ALIBI et de YOVO, bien désolés, lui donnaient cependant raison et nous lui avons donc dit au revoir et bonne chance.

Un petit incident quelques jours après le départ : à mi-hauteur de la côte est de Sumatra nous avons été accostés au milieu de nulle part par un petit bateau équipé d’un moteur de 40 chevaux portant en gros et dans le style psychédélique les lettres MUIS peintes dans des couleurs très vives. A bord quatre individus aux gueules patibulaires dont deux vêtus de costumes pseudo militaires disparates se prétendant l’un de la police, celui qui nous parlait, l’autre de l’armée. Ce dernier était muni d’une kalashnikov. Ils nous ont demandé de nous arrêter et nous avons aussi entendu le mot « money » par deux fois. Nous avons fait mine de ne rien avoir entendu et, tout en continuant de naviguer, leur avons demandé ce qu’ils voulaient.  Pas de réponse. En montrant le drapeau ils nous ont demandé si nous étions hollandais pour se corriger ensuite eux-mêmes. Finalement ils nous ont fait signe de continuer et sont partis  à toute vitesse. Dix minutes plus tard nous les avons vus arrêtés à un mille devant nous. Ils sont revenus et là nous ont posé des questions, d’où nous venions, où nous allions… Nous leur avons  donné des détails sur notre voyage : de toute évidence ils ne voyaient pas bien de quoi nous parlions mais ils sont devenus bien aimables, ont tenu à serrer la main à François, nous ont donné l’autorisation de continuer notre route  et sont repartis, définitivement cette fois-ci !





J’avoue que nous avons eu un peu peur.  Nous nous demandons s’il s’agissait vraiment de membres de la police et armée indonésiennes ou de malfrats déguisés en officiels. ALINDIEN, la force maritime européenne chargée de la sécurité et de la lutte contre la piraterie dans l’océan indien qui nous suivent depuis notre départ, attendent que nous leur envoyions les photos que François a prises subrepticement pour mener une petite enquête. Affaire à suivre …


Du détroit de la Sonde aux Cocos Keeling
(du 13 au 18 mai 2014)

Le mardi 13 mai nous entamions la traversée de l’Océan Indien, ravis de trouver assez rapidement du vent,  pas beaucoup mais  suffisamment pour avancer sans le moteur. 


ALIBI apparaissait et disparaissait auguré de la houle

Nous avons fait 136 milles les premières 24 heures.


Et dès le deuxième jour les choses ont commencé à se gâter : à nouveau plus de vent  et une mer ultra calme, trop calme, c’en était désespérant!  


A tel point que Jean-Pierre et Guy ont décidé de descendre nettement au sud, jusqu’au 10°30 pour aller à leur rencontre : peine perdue ! Ils se sont même trouvés au milieu de grains incessants sans apport de vent! Les alizées n’ont commencé à se faire sentir pour eux comme pour nous que la deuxième moitié du quatrième jour. Phénomène malheureusement accompagné de grains pour nous aussi. Le ciel était très chargé et la mer très formée, agitée même avec des houles croisées qui rendaient la vie à bord très inconfortable.  Ce temps nous a cependant permis d’attraper un beau thazard de 1m qui nous a fait sept bons repas.





A partir du vendredi 16 au soir nous avons commencé à pouvoir avancer  correctement à la voile avec un vent plus régulier renforcé par celui amené par les grains que nous avons eu jusqu’à notre arrivée aux Cocos Keeling le dimanche 18 au matin.  Dans la nuit du vendredi au samedi 5 fous de Bassan sont venus s’installer sur nos panneaux solaires pour repartir vers les 5 heures du matin. Pour nous saluer à leur arrivée et à leur départ ils poussaient des cris épouvantables à mi-chemin entre les claquements et les grincements ! Idem pour décourager un de leurs congénères qui souhaitait se joindre à eux ! Inutile de dire que les panneaux solaires ont eu besoin d’un bon nettoyage le lendemain!
Comme nous allions arriver aux îles Cocos dans la nuit nous avons mis à la cape une dizaine de milles avant pour attendre le lever du jour. L’arrivée nous a été facilitée par un navigateur  américain qui est venu nous indiquer la passe, pas évidente à la fin.





2 - Les atolls australiens des Cocos Keeling
(du 18 au 22 mai 2014) 

Et nous nous sommes retrouvés dans une eau ultra limpide et lumineuse bleu turquoise, bleu « des Mers du Sud » comme aurait dit la maman de François dont c’était la couleur d’encre préférée. Nous nous serions cru aux Tuamotu! Pas étonnant, les Cocos Keeling sont un atoll perdu au milieu de l’Océan indien.  





Dès notre arrivée nous avons eu la visite de petits requins pointes noires habitués du coin mais inoffensifs.






Le autorités australiennes ont été extrêmement sympathiques : tout s’est fait avec le sourire, rapidement et surtout, surtout, ils nous ont laissé tout notre avitaillement, viande, fruits, légumes frais et conserves maisons comprises contre la promesse de ne rien débarquer !
Nous y avons passé quatre jours très agréables ce d’autant plus que les nuages se sont dissipés pour laisser place au soleil et que nous avons pu bien recharger les batteries. Même sans soleil ce n’aurait pas été un problème car il y a toujours du vent dans cet atoll !
Premier jour : repos puis François a essayé de faire remarcher le gros 15cv et le petit 3cv Yamaha, tous deux encrassés par de l’essence pourrie qui nous avait été vendue en Thaïlande. En vain pour le 15cv, avec succès pour le petit que nous avons donc utilisé pour faire nos allers et venues entre Yovo et  les îles, un peu juste vu le vent et les vagues soulevées mais cela a été… 



Le soir bien sûr apéro dînatoire sur ALIBI.

Les Cocos Keeling comportent trois îles principales : Direction Island où doivent impérativement mouiller tous les bateaux de passage, Home Island où vit la communauté malaysienne musulmane qui a été amenée aux Cocos au XIXème siècle pour travailler sur les plantations de cocotiers et West Island où vivent les Australiens. Pas question ici de mélanger les torchons et les serviettes ! Ceci dit, les relations entre les deux communautés ont l’air bonnes  et un ferry rapide relient les deux dernières îles quatre fois par jour. Les navigateurs doivent, eux, prendre leur annexe pour se rendre à Home Island et attraper le ferry, West Island étant trop éloignée pour s’y rendre par ses propres moyens.
Nous sommes allés à Home Island le lendemain de notre arrivée pour payer le mouillage ( 5€ par jour), pour voir ce qu’offrait le seul et unique supermarché de l’île ( très peu de frais, quelques tomates, courgettes, pommes… )  et avant tout pour découvrir cette île et sa population.

En route vers Home island...



Le port


C’est mignon, propre, verdoyant, quelques bâtisses colorées, un musée intéressant sur l’histoire de ces îles et en particulier sur les barques locales dont deux très belles dans le musée (je n’avais pas pris mon appareil photos!).  

LE supermarché de l'île

La très belle maison des Clunies-Ross ( la famille qui a démarré la plantation de cocotiers dans ces îles) qui a longtemps été à l’abandon et était donc libre à la visite est maintenant la demeure privée d’un propriétaire de taxis australien, peu aimé, qui a complètement transformé la maison au point qu’elle en est méconnaissable  ( la tour en particulier a été supprimée). On ne peut bien sûr plus la voir et ce sont des gens de l’île, amers que rien n’ait été fait pour préserver ce patrimoine, qui m’ont montré des photos avant et après.

L’après-midi nous nous sommes baladés sur la magnifique plage de Direction Island et sommes allés jusqu’à la pointe sud voir ce « Rip » dont on nous dit que c’est un lieu de snorkelling exceptionnel. Nous pensions y aller juste après. Quand nous avons vu le courant puissant qui s’engouffrait dans cette cassure entre l’île et le platier nous avons repoussé cette idée au lendemain, le temps d’étudier les horaires de marée et de choisir la bonne heure.






Nous sommes aussi allés à West Island en ferry donc depuis Home Island.  Avec nous une cinquantaine de personnes pour la plupart des Malaysiens qui se rendaient sur la grande île pour y travailler, faire des courses ou prendre l’avion pour Perth. Nous y étions en une demi-heure. La marée était très basse ce jour-là et à deux reprises, à l’aller comme au retour, le bateau est allé très doucement ayant très peu d’eau sous la coque !





Le débarquement se fait sur la côte au vent et il faut prendre un mini-bus pour  se rendre au village situé de l’autre côté. La route goudronnée et bordée de cocotiers est en très bon état comme tout sur ces îles.  On y est en dix minutes et on découvre ces mêmes petites bâtisses de bois peintes de couleur vives entourées de pelouses bien tondues… on est bien en Australie ! 


Le supermarché n’y est pas, contrairement à ce que l’on nous a dit,  mieux achalandé que celui de Home Island. La poste venait de fermer quand nous y sommes arrivés et internet était prohibitif. Après nous être baladés et avoir quand même fait quelques achats nous avons passé le peu de temps qui nous restait au Dory’s Café où nous avons mangé de délicieux panini. L’horaire du ferry avait été avancé  d’une heure pour cause de marée très basse.






L’après-midi nous sommes allés faire une balade sur Direction Island, sur un chemin balisé mais non entretenu. Tous les  300 mètres des panneaux explicatifs sur le rôle de ces îles pendant les deux guerres mondiales, en particulier Direction Island où était installée une « cable station » : dès le début du vingtième siècle, un câble téléphonique sous-marin reliant l’Australie à l’Afrique du sud puis à l’Europe avait été installé, passant par les Cocos Keeling et par Rodrigues. Ce câble avait évidemment une grande importance stratégique.  Pendant la première guerre mondiale, les Allemands sont venus attaquer la base de communication de Direction Island pour couper le câble, ce qui a donné lieu à la première bataille et victoire navale de la Marine Royale Australienne entre le Sydney et l’Emden, navire de guerre allemand qui coula à quelques milles au nord le 9 novembre 1914.
Pendant la deuxième guerre, ce sont les Japonais qui sont venus tenter de détruire la station en bombardant l’île sans réussir cependant. Il ne reste rien attestant de cette époque hormis quelques morceaux de rail et un essieu de camion.


Les navigateurs laissent souvent une trace de leur passage sur l'île

Il y a énormément de bernard-l'ermites sur cette île, souvent de grosse taille
Beaucoup de crabes-fantômes aussi



Nous n'avons pas quitté ces îles sans avoir fait du snorkeling dans le "Rip". La veille de notre départ vers 13h il y avait peu de courant et nous avons fait cinq ou six fois la descente du canyon sous-marin qui abrite toute une faune marine de grosse et de petite taille ( requins, mérous, napoléons, daurades...) et de superbes coraux. Nous nous laissions porter par le courant et le remontions en annexe.











3 - Des Cocos Keeling à l’île Rodrigues
(du 22 mai au 5 juin 2014)

Une traversée océanique de 2000 milles nautiques, c’est-à-dire 1.8520 km x 2000 = 3700 km, environ la distance de Montréal à Vancouver sur la côte ouest du Canada. Nous pensions mettre une quinzaine de jours.
L’océan indien a mauvaise réputation chez les navigateurs à cause de ses mers et vents difficiles et beaucoup font transporter leur bateau en cargo via la Mer rouge ou plus radicalement arrêtent là leur voyage autour du monde et mettent en vente leur bateau en Thaïlande ou en Malaisie. Si vous voulez acheter un bateau actuellement c’est certainement là qu’il faut aller !

Le jeudi 22 mai nous avons quitté les îles Cocos, un peu à regret car nous aurions volontiers prolongé notre séjour, toujours en compagnie de ALIBI, mais aussi du voilier britannique THREE SHIPS de Chris et Fiona accompagnés pour cette traversée du fils d’amis, Toby, 19 ans.
Après avoir quitté le mouillage, en hissant la grand-voile, nous avons remarqué qu’un des chariots de latte était sorti de son logement. Pour pouvoir le remettre tranquillement, nous avons remouillé l’ancre et, bêtement, nous avons laissé la chaîne sur le guindeau (treuil pour remonter l’ancre), ce que nous ne faisons jamais. Le clapot était assez fort et les quatre goujons qui tiennent le guindeau ont été arrachés !!! Le chariot de latte a été facilement remis en place, mais il nous a fallu presque deux heures pour remonter l’ancre avec des cordes tirées sur les winches avant de pouvoir repartir, sans guideau…

Les conditions ont été bonnes au début de la traversée avec un vent modéré et une mer assez facile.
Le samedi 24, nous constations qu’il y avait de l’eau dans les coffres de la cabine avant! Une entrée d’eau s’était faite au niveau du passage de fils entre la cabine et la baille à mouillage, sûrement suite à l’épisode du guindeau, et une trentaine de litres d’eau de mer avait mouillé les matelas et tout ce qui se trouve dans les coffres avant côté tribord !  Nous avons dû tout retirer et faire sécher. Comme la mer était assez calme, nous avons pu aller dans la baille à mouillage et boucher l’entrée d’eau avec du silicone.



Tout s’est bien passé bien par la suite, avec un vent régulier, mais une mer souvent forte et inconfortable due à ces houles croisées venant de deux directions différentes, conditions typiques de l’océan indien.



Ce n'était pas la première fois que nous naviguions avec d'autres bateaux, peu s'en faut, mais c'était la première fois que nous sommes restés en vue les uns des autres tout au long de la traversée sans l'avoir recherché, les potentiels de nos bateaux étant très voisins.

On voit nettement devant nous à l'horizon les voiles d'ALIBI et de THRE SHIPS
THREE SHIPS au lever du soleil

A mi parcours, au bout d’une semaine de navigation, nous avons célébré la Saint Michemin, comme l’appelle Jean-Pierre d’Alibi.
Nous partagions les quarts de nuit et les journées étaient rythmées par les repas, le repos et les vacations radio bi-quotidiennes à 9h et à 19h avec Alibi et Three Ships. Ces contacts, au cours desquels nous échangeons nos positions respectives et les informations météo, sont très agréables et rassurants. Il nous restait du temps pour la lecture et la rédaction des articles du blog quand la mer n’était pas trop agitée. Les conserves préparées à l’avance par Francine ont été bien utiles car il n’était pas trop facile de cuisiner avec les conditions de mer.
A partir du dixième jour, nous avons rencontré une mer très forte avec une houle croisée et des creux importants. Nous avons été malmenés et le spectacle était impressionnant mais Yovo passait bien. Hypnotisés par ces vagues nous n’avons même pas pensé à en prendre des photos ou, mieux, un petit film ! Dommage ! Les choses se sont un petit peu calmées au bout d’un jour ou deux, mais nous avons eu des grains très régulièrement jusqu’au bout, surtout la nuit : pluie mais, heureusement, peu d’augmentation du vent.







Nous parcourions assez régulièrement entre 140 et 160 milles par 24 heures et le vent restait constant.
Trois jours avant l’arrivée, ne voulant pas arriver de nuit, nous avons commencé à ralentir en prenant plus de ris que nécessaire et vers la fin en supprimant le génois. Notre 4ème ris nous a été très utile. Nous sommes arrivés le jeudi 5 juin au matin, sous un grain, en même temps qu’Alibi. Three Ships qui avaient cassé d’abord un premier hauban puis un second ( alors qu’ils avaient été changés un an et demi plus tôt !) et qui faisaient très attention à ménager leur gréement sont arrivés en début d’après-midi.
Rodrigues nous a tout de suite rappelé la Réunion quand nous y faisions du bateau sur Banzaï avec Bernard Bost.





Nous avons donc mis 14 jours à l’heure près depuis les Cocos Keeling et un mois au jour près depuis le sud de la Malaisie / Singapour.
Il y avait déjà sept bateaux à notre arrivée et il n’y avait plus de place au quai. Les autorités nous ont demandé de nous mettre à couple de Huahine, le grand catamaran d’Alain et Patrick, des français très sympas rencontrés aux Cocos Keeling.  Si le port et le mouillage étaient un lac lorsque Too Much y était dix jours plus tôt, ce ne fut pas le cas pour nous : la houle entrait et faisait bien tanguer les bateaux !

Nous sommes restés neuf jours à Rodrigues où le temps s'était heureusement remis au beau. Ce sera l’objet de notre prochain article avec la visite de Maurice et l’arrivée à la Réunion tout début juillet, voire fin juin.









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