lundi 11 août 2014

RODRIGUES

(du 5 au 13 juin 2014)


Rodrigues, une des îles Mascareignes



Après les quinze jours de traversée depuis les îles Cocos Keeling nous sommes arrivés à Port Mathurin assez épuisés, aussi, après les formalités qui ont été assez rapides, avons nous dormi pendant plusieurs heures! Les douaniers nous avaient demandé de nous mettre à couple de HUAHINE, le catamaran de Alain et Patrick  rencontrés aux Cocos Keeling. Il y avait en effet déjà beaucoup de bateaux dans ce tout petit port et nous ne pouvions pas mouiller avec notre guindeau aux trois-quarts arraché. De plus les douaniers préféraient que nous soyons le long du quai : plus facile pour eux! 
Nous avons retrouvé là les bateaux rencontrés aux Cocos et partis un jour ou deux avant nous, TAHINA de Franck et … et GRYPHON II de Chris et Karen et nous avons fait la connaissance d’autres bateaux aux équipages bien sympathiques, ce qui faisait que l’ambiance au port était des plus conviviales.



L’île de Rodrigues fait partie, avec Maurice et la Réunion, des Iles Mascareignes. Avec ses 18km de long sur 6,5 km de large c’est la plus petite des trois. Elle se situe à 600km au nord-est de l’île Maurice dont elle fait toujours partie bien qu’elle soit autonome sauf pour ce qui est de la police et de l’armée.
Avec ses 38000 habitants sa population ne représente que 3% de la population mauricienne dont elle est très différente en ce sens qu’elle est composée d’un mélange entre les « Noirs », descendants des esclaves, largement majoritaires, et les « Rouges », ( à cause de coups de soleil ! ),  descendants de français. Maurice est, elle,  à 70% d’origine indienne. Les rodriguais n’aiment d’ailleurs pas beaucoup les mauriciens et se sentent plus proches des réunionnais ou encore plus des seychellois. Lors du référendum de 1967, si les mauriciens ont voté à 54% pour l’indépendance, 90% des rodrigais avaient voté « non » à cette scission d’avec le Royaume Uni.

Rodrigues est pour notre bonheur une île encore très préservée du tourisme de masse et de l’urbanisation. Ses dirigeants en sont bien conscients et font tout ce qui est en leur pouvoir pour qu’elle le reste. Bénéficiant d’un régime d’autonomie cela leur est possible. Ici, pas ou peu de grands hôtels et pas d’immeubles de plus de trois étages. Les touristes qui viennent ici recherchent la beauté de ses paysages mais surtout son calme, sa simplicité, le contact avec une population gentille, souriante, toujours prête à tailler une petite bavette. Tous parlent français, très bien d’ailleurs, mais il est évident que le créole est leur langue de prédilection, un créole très différent de celui de la Réunion.

Port Mathurin,  la capitale de l’île et son seul port, se trouve sur la côte nord.
Le port est en plein centre ville. Autrefois, quand le cargo Mauritius Pride arrivait et que les rodrigais avaient le droit de venir y accueillir leurs parents et amis, il y régnait une activité fébrile. De nos jours le port est fermé et il faut montrer patte blanche pour y entrer et en sortir. Nous y étions donc au calme et nos bateaux en sécurité. Le capitaine du port et tout le personnel sont charmants mais rien n'est prévu pour les plaisanciers, ni toilettes ni douches, juste un réservoir d'eau douce, de l'eau de pluie.

L'accès au mouillage très restreint et au port

A marée basse on ne voit que les mâts des voiliers et il est bien difficile de monter sur le quai!



Coucher de soleil depuis le  bateau...



Port Mathurin est une toute petite ville très animée. S’y trouvent tous les services administratifs et les banques, des pharmacies, un syndicat d’initiative, un hôpital, une gare routière, les deux ou trois supermarchés de l’île et toutes sortes de petites boutiques spécialisées ou au contraire offrant à la vente un peu de tout.


Remarquer le gigantesque banyan à 50 mètres de l'entrée du port
Le syndicat d'initiative




la gare routière

La « Résidence », l’ancienne demeure du gouverneur d’antan, est encore visible et bien conservée tout comme le beau canon qui en garde l’entrée. 



Quelques maisons de type créole, parfois très belles et bien entretenues, le plus souvent cachées au fond de leurs jardins, se rencontrent ici et là. 





Sur les murs parfois des peintures...





Il y a un petit marché tous les jours mais c’est le samedi qu’il faut y aller pour admirer les étals chargés de fruits et de légumes appétissants.











Autour du marché quelques stands supplémentaires dont ceux des vendeurs de vannerie et celui, très connu, de Marylou Augustin qui confectionne de délicieuses tourtes rodrigaises fourrées de pâte de coco, papaye, mangue, limon ou ananas. Ce samedi-là nous avions invité à dîner une dizaine d’autres navigateurs pour fêter l’anniversaire de François et ses tourtes nous étaient apparues comme le dessert idéal.






Le marché vu de la gare routière


Le poisson, le poulet, le bœuf, la chèvre se vendent dans de petites boutiques entièrement carrelées installées à deux pas de là.




Les rues de Port Mathurin sont très animées, les maisons, et notamment les boutiques, peintes de couleur vives. Les mannequins des magasins de vêtements sont d’une autre époque.




La boutique la plus folklo de Port Mathurin







Vus aussi en ville...






On nous avait prévenus mais nous ne nous attendions pas à un tel contraste : à 16h, de gai et vivant, Port Mathurin devient totalement mort : en effet tout s’arrête et chacun rentre chez soi ! Plus un chat dans les rues !




Serge Testa, notre ami australien qui détient toujours le record du tour du monde dans le plus petit bateau ( 12 pieds), avait bien insisté pour que nous allions rendre visite à un de ses amis de Rodrigues, Ben Gondran, plus connu sous le nom de « Sir Ben », une personnalité de l’île : cet homme, âgé maintenant de près de 80 ans, a consacré une grande partie de sa vie à redonner vie et vigueur à la culture musicale de l’île. Il s’est en particulier intéressé aux danses traditionnelles venues de France entre autres grâce au premier de ses ancêtres arrivé sur Rodrigues avec le tout premier accordéon et il adore en parler. Nous avons donc passé plusieurs heures à écouter cet homme passionnant dans sa jolie maison créole du centre ville. Malheureusement atteint d’une maladie des os il a dû être amputé d’une jambe il y a quelques mois, ce qui le coince chez lui et le mine mais il espère être appareillé d’ici la fin de l’année et pouvoir aller voir et écouter ses amis qui continuent d’animer les bals locaux. Sous son impulsion est né le groupe Racines, un des quarante groupes de folklore rodrigais. Il a écrit un livre sur son île « Sir Ben… raconte Rodrigues » publié en 2007. Il a aussi un site   bengontran.com  .






Sir Ben nous a conseillés d’aller au night-club « les Cocotiers » un dimanche après-midi. S’y retrouvent chaque semaine des couples pas très jeunes mais passionnés de danses traditionnelles.  Ils virevoltent l’air très sérieux et enchaînent, pleins d’énergie, le kotis ( scottish), le mazok ( mazurka), la polka, le laval ( valse), le séga accordéon et le séga tambour, toujours très en faveur dans l’île. Trois musiciens emmenaient les danseurs, l'un jouait de l'accordéon, le second d'un tambour séga et le troisième marquait le rythme avec un triangle. Nous avions l’impression d’être retournés cent ans en arrière : c’était étonnant, et je dois dire, très distrayant. D’après Sir Ben nous sommes partis trop tôt, avant l’arrivée des jeunes qui eux aussi s’intéresseraient aussi à ces danses. Bien qu'invités à nous joindre à eux nous sommes restés spectateurs!








Après nous être reposés et avoir pris nos marques à Port Mathurin nous avons loué pour deux jours une voiture avec Jean-Pierre et Guy et nous sommes allés visiter l’île.  




Nous sommes allés de Port Mathurin à la Pointe Coton avec arrêts divers en route pour découvrir l’intérieur de l’île, ses vallées profondes, ses cultures en terrasses et sa végétation luxuriante, admirer la côte depuis les hauts et voir les différents sites marquants.








Lors d’un de ces arrêts une dame nous fait signe d’aller voir « Rose Pontié », du moins est-ce ce que nous avions compris. Impossible de trouver quoi que ce soit à ce sujet dans notre guide. Finalement nous nous sommes rendu compte qu’il s’agissait de « Roche Bon Dieu » prononcé à la créole ! L’ énorme rocher serait, selon la légende, tombé du ciel et les habitants du coin viennent y prier.


Plus on se rapproche de la pointe Coton plus le paysage se désertifie...





La Pointe Coton...






Nous avons laissé la voiture à Saint François et avons suivi à pied la magnifique côte nord-est jusqu’à un peu avant l’anse Graviers où nous avons rebroussé chemin. Nous y étant rendu en voiture c’était la seule option ! S’y succèdent des plages plus belles les unes que les autres, la crique de Fumier, le Trou d’Argent, l’anse Bouteille...










Il n'y avait pas de vent : je me protège seulement du soleil!







En chemin nous y avons vu une étrange plante sauvage aux feuilles hérissées d’épines.



De retour à Saint-François nous sommes retournés au centre de l’île pour prendre la magnifique route de Port Sud-Est et ses somptueuses vues sur le lagon et l’île de l’Ermitage.





Le lendemain, balade dans le centre et le sud de l’île. Au centre de l’île et au carrefour des toutes les routes la desservant se trouve le village de Mont Lubin et le point culminant, le Mont Limon. 







Arrêt au Jardin des Cinq Sens, qui présente un panel de la flore endémique de l’île. Rien d’exceptionnel : il faut dire que, ayant vécu six ans à la Réunion dans les années 80 et venant d’Asie du Sud-Est nous étions déjà familiers avec toutes ces plantes et senteurs. De plus ce jardin est récent ( deux ans environ) : les plantes sont toutes jeunes et encore peu développées.

En attendant l'ouverture


On commence à voir ces étranges plantes chez nos fleuristes


pamplemoussiers pays
alamandas à fleurs roses, plus rares que les jaunes 
Nous n'avions jamais remarqué que les jeunes vacoas poussaient en spirale

Puis arrêt à l’église de Saint-Gabriel construite entre 1936 et 1939 par les paroissiens eux-mêmes en blocs de pierre volcanique. De taille étonnante pour ce petit village : elle peut contenir 2000 personnes ! L’intérieur, très sobre, était en réfection.




Le clou de notre journée a été la visite de la réserve François Leguat, résultat d’un beau projet d’écotourisme soutenu par le domaine de La Vanille à Maurice et le Mauritian Wildlife Foundation qui tente de recréer le paysage et la faune de l’île avant l’arrivée des colons. Pas de "solitaire" bien sûr, l’équivalent rodrigais du "dodo" réunionnais qui comme lui ne pouvait ni voler ni se déplacer facilement et a rapidement été décimé par les navigateurs hollandais qui venaient se ravitailler sur l’île. Il n’en reste que quelques rares squelettes. Les dessins ou statues qui le représentent montrent un animal bien différent du "dodo", moins dodu, plus haut sur pattes et  avec une petite tête au bout d’un long cou.
Statue représentant le solitaire à Port Mathurin

Si les tortues ont subi le même sort, des cousines ont pu être introduites à leur place dans l’île, deux espèces en particulier, la Radiata en provenance de… ( j'ai oublié!) et l’Aldabra venue des Seychelles, des îles proches.  Vu leur nombre, un millier, leur état de santé et leur taux de reproduction il est évident qu’elles se plaisent dans leur nouvelle patrie ! Il y en a de tous les âges et de toutes les tailles. Ce qui est extraordinaire pour le touriste c’est qu’un bon nombre viennent vers eux se faire caresser le cou ! Elles sont très surveillées, soignées si nécessaire, et vivent dans deux grands canyons arborés et très verdoyants où elles sont en semi-liberté et où elles peuvent trouver la nourriture qui leur convient.

Les Radiata...












Cette réserve s'occupe aussi de chauve-souris géantes en voie de disparition...

 
Nous y avons aussi rencontré, mais eux ne sont pas en voie de disparition, de magnifiques dindons!



Retour sur Port Mathurin pour monter jusqu’à la croix qui domine le port avant la tombée de la nuit. Belle vue sur la ville, le port et les villages alentour.




On voit très bien le port, les mâts des voiliers et TAHINA, seul bateau au mouillage



Quelques jours après, grande balade dans le nord de l’île, en bus et à pied cette fois-ci. Un bus nous a conduits à Baladirou par l’intérieur des terres en faisant un grand détour et en s’arrêtant tous les cinq cents mètres. Nous qui pensions suivre la côte !!! Jolie balade qui nous a fait contourner l’Anse aux Caves, passer par Caverne Probert, l’Anse aux Anglais et Pointe Vénus. C’est la zone la plus touristique de l’île même si les conditions de baignade n’y sont pas idéales : eau peu profonde à marée haute et pas d’eau du tout à marée basse ! Au loin nous avons vu quelques « piqueurs » (= pêcheurs) d’ « ourites » (Rodrigues et Maurice) ou « zourites » ( Réunion), nom de la pieuvre dans cette zone du monde. La surpêche, l’érosion des sols et l’envasement de leurs lieux de vie ont fait qu’elles se font rares maintenant.  De plus cette activité, séculaire, détériore le corail qui met des années à se reconstituer. La Commission de l’Environnement a donc et fort heureusement pris des mesures en 2012 ( interruption de deux mois pendant la période de pêche) pour pallier ce problème.










Piqueurs de zourites en plein travail
Zourites mises à sécher



a droite un pêcheur de zourite marchant sur le plagier

En chemin on rencontre des panneaux exhortant les passants à respecter la propreté de l'île... en créole bien sûr ( à lire à haute voix)...




Rodrigues est réputée pour ses randonnées et aussi pour la plongée mais étant donné que nous étions en hiver nous ne nous sommes même pas renseignés sur les sites !


Pour finir, j’y faisais allusion plus haut, c’est à Rodrigues que nous avons fêté les 67 ans de François en compagnie de Jean-Pierre et Guy son équipier (ALIBI), de Fiona, Chris et Toby (THREE SHIPS) et d'Alain et Patrick ( HUAHINE). Une soirée bien sympathique et bien arrosée ( François avait fait quelques jours à l’avance son punch planteur maison)  où les problèmes de langue n’ ont pas empêché de beaux échanges. Incroyable mais malheureusement vrai, François n'a pour ainsi dire pas été pris en photo!!!   C'est à peine si on l'aperçoit dans un petit coin...



 D'avant en arrière, à gauche, Guy, Chris, Fiona et Jean-Pierre, à droite Patrick, Toby et Alain

Si vous allez à la Réunion ou à Maurice et si vous aimez le calme, une vie simple, proche de la nature, le contact de gens sympathiques, la mer, le snorkelling et la plongée ( en période chaude peut-être)...  prévoyez d'aller passer quelques jours à Rodrigues. Et, s'il n'y a pas de bars branchés où l'on vous servira des cocktails élaborés vous pourrez quand même vous régaler dans les quelques restaurants de Port mathurin et de ses alentours.
Notre prochain article portera sur Maurice et la Réunion.

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