LA TRAVERSÉE SUR LES ÉTATS-UNIS
Je n'ai pas le livre de bord avec moi pour me rappeler les choses avec précision donc tout ce dont je me souviens c'est que la traversée, contrairement à mes angoisses, s'est très bien passée et que nous avons attrapé une dorade coryphène, le meilleur et le plus beau des poissons marins selon moi, chose qui ne nous était pas arrivée depuis longtemps! Le Gulf Stream que nous avons fini par trouver sur la fin du trajet nous a menés bon train les dernières 24 heures.
Après avoir bien étudié la carte et les profondeurs à l'entrée des inlets nous avions finalement décidé d'atterrir à Charleston, Caroline du Sud. On aurait beaucoup aimé aller à Savannah, en Géorgie donc un peu plus au sud, mais l'entrée dans la rivière nous paraissait risquée avec tous ces bancs de sable qui se déplacent sans cesse... A Charleston pas de problème de profondeur : il y en a partout! De plus Tony GEDDIE rencontré à Marsh Harbour nous en avait parlé avec chaleur et nous y avait recommandé une marina, la Charleston maritime Center. Il a quand même fallu arriver à l'étal de marée pour éviter le courant lors des manoeuvres d'entrée et d'amarrage mais nous étions en communication avec quelqu'un de la marina et tout s'est bien passé.
Le lendemain Trey (Stanislas) JASKIEWICZ qui travaillait à la marina nous a emmenés faire les formalités. Bien sympa car c'était à quelques milles de là. Tout s'est passé très vite. Nous n'avions pas fait les formalités de sortie aux Bahamas car on nous avait dit que nous aurions à payer une taxe de départ et que nous n'y tenions pas vraiment. La douanière s'est étonnée que nous n'ayons pas le tampon mais c'est tout! De là nous sommes allés dans le centre de Charleston à pied.
Nous n'avions encore jamais mis les pieds aux Etats-Unis et la chose qui nous a le plus surpris à Charleston est que la population y était/est quasiment totalement blanche! Même les serveurs dans les bars, les vendeurs dans les magasins tous étaient blancs! Pourquoi? Parce que les américains ne désirent pas de noirs et ne leur font pas de place? Parce que les noirs ne tiennent pas à y vivre? Ensuite c'est le fait que la ville était très propre, les trottoirs en bon état, pas un papier par terre, pas de feuilles mortes, tout était impeccable. Et de plus pimpant avec des fleurs au pied des arbres, le plus souvent des palmiers, et de jolis arrangements floraux un peu partout. La ville était animée mais il n'y avait pas le bruit qui y est souvent associé.
Charleston, Charles' Town, fondée en 1670, a été nommée ainsi pour honorer le roi Charles II d'Angleterre. C'était un des ports les plus importants de la côte est et la ville principale d'une des 13 colonies. Elle se développa grâce au commerce et à la culture du riz. Elle devint au début du XVIIIème siècle un des plus grands centres sinon le plus grand centre de la traite négrière pour l'Amérique du Nord. Y arrivaient en effet 40% des esclaves! Il faut aussi savoir que c'est à Charleston, plus exactement au fort Sumter dans le port, que se sont échangés les premiers coups de feu de la guerre de Sécession, le 12 avril 1861. Après la guerre avec la fin de l'esclavage, la culture du riz n'étant plus rentable, la ville a périclité. C'est aujourd'hui une ville très agréable où l'architecture, les monuments, les cimetières, les lieux de mémoire rappellent une autre époque suscitant en nous tantôt l'émerveillement tantôt l'effroi.
Le lendemain nous sommes donc allés visiter la ville et principalement le quartier historique jusqu'à Battery et les jardins de White Point qui se situent tout au sud de la péninsule de Charleston.
Cinq ou six de ces maisons de planteurs d'avant la guerre de Sécession se visitent et nous avons ainsi vu la maison des Aiken-Rhett qui est encore dans son jus ( parfois même c'est un peu limite...), la société qui s'en occupe voit à sa conservation et à son entretien mais pas ) sa restauration. On peut y imaginer la vie des riches planteurs avant le guerre de Sécession et se faire une idée de celle du rôle des esclaves vivant en ville.
Notre ami Tony GEDDIE nous a dit que l'objet devant François est un Joggle Board : c'est un jouet pour les enfants qui sautaient dessus. |
Dans la première moitié du XVIIème siècle de nombreux huguenots vinrent s'installer à Charleston et dans sa région. ils se regroupèrent le long de la rivière Santee et au coeur de Charleston dans ce que l'on appelle le Quartier français, une très jolie partie de la ville.
Au fond, de l'autre côté de la rivière, la marina où nous avions réservé avant de rencontrer Tony Geddie. Celle où nous étions est bien mieux placée car du côté de la ville. |
Un jour nous avons loué une voiture pour nous balader dans la région et visiter une de ces spectaculaires plantations de riz installées le long de la rivière Ashley. Les vastes jardins de cette plantation sont les plus anciens des Etats-Unis : ils remontent à 1741. Ce sont une centaine d'exclaves qui ont effectué tout le travail de terrassement, de drainage, de plantation... Le résultat, tantôt jardin à la française tantôt jardin à l'anglaise, est remarquable. Il reste aussi des arbres pluri centenaires majestueux. Ce domaine entouré de centaine d'hectares de champs de riz était la propriété de Henry Middleton, un homme politique de Caroline de Sud. Les bâtiments furent incendiés par des unionistes la dernière année de la Guerre de Sécession ( 1865) et ont souffert d'un tremblement de terre en 1886. L'un d'eux cependant n'a pas trop souffert et abrite un musée.
Le seul bâtiment du XVIII ème siècle qui reste, maintenant un musée. |
C'était l'époque des magnolias et il y en avait partout, à Charleston comme à l'extérieur. |
Ce qu'il reste de l'ancien bâtiment principal. |
Nous y avons vu un alligator... |
Le musée donne des chiffres très parlants et choquants : 40 à 60% des esclaves d'origine africaine destinés à l'Amérique du Nord arrivaient à Charleston et des millions d'esclaves nés en Amérique par la suite furent achetés et vendus à Charleston; plus de la moitié des personnes qui possédaient 500 esclaves et plus en Amérique étaient de Caroline du Sud. Il est certain que c'est un passé difficile à assumer et le conseil de la ville de Charleston s'est excusée formellement ( je n'ai pas réussi à savoir quand exactement) de son rôle dans l'esclavage.
Dans le musée ils insistent beaucoup sur la différence à faire entre esclaves nés en Afrique et esclaves nés en Amérique et esclaves vivant sur des plantations et esclaves vivant en ville...
Les esclaves travaillaient dans les champs ou dans les maisons de leurs maîtres ou étaient loués à d'autres personnes par leurs maîtres qui touchaient leur salaire ( c'était par exemple le cas des artisans). Il fallait être très riche à Charleston pour pouvoir s'acheter un esclave et seulement 3% de la population de la ville pouvaient se le permettre tant les prix étaient élevés. Par exemple un esclave avec une qualification coûtait l'équivalent de 38 000 $ (de 2011) tandis qu'une femme ordinaire ou un esclave d'un certain âge ne coûtait que ( !) la moitié de cette somme.
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En visitant le musée il est un peu difficile d'imaginer comment c'était car tout a été bien transformé. Par exemple il y a maintenant un étage alors qu'il n'y en n'avait pas, en dehors de la partie prison qui en comptait quatre. En plus de panneaux explicatifs on peut voir divers objets d'époque comme des affiches annonçant des ventes aux enchères, des fers ou des sortes de badges que les esclaves devaient porter pour quitter leur lieu de résidence ( même les esclaves affranchis devaient porter des badges mais différents). Il y a aussi quelques vidéos mais surtout de très poignants enregistrements d'anciens esclaves. Une visite que nous recommandons.
L'avant-veille de notre départ Tony GEDDIE, rencontré à Marsh Harbour (Abacos) et dont il revenait tout juste sur son voilier, et sa femme Teresa nous ont invités à goûter ce que l'on pourrait appeler les "tapas" locaux. Ils nous ont emmenés en dehors de la ville dans un joli endroit, Ellis Creek Fish Camp. C'est sur James Island, juste au sud de Charleston. On y sert surtout des fruits de mer, huîtres, crevettes... Nous avons beaucoup aimé les Hush Puppies qui sont des sortes de petites boulettes à base de maïs et de crevettes... Grâce à eux nous avons passé une excellente soirée bien authentique.