vendredi 4 juin 2021

Les Etats-Unis 1 : la traversée des Bahamas aux USA et la ville de Charleston

LA TRAVERSÉE SUR LES ÉTATS-UNIS



Je n'ai pas le livre de bord avec moi pour me rappeler les choses avec précision donc tout ce dont je me souviens c'est que la traversée, contrairement à mes angoisses, s'est très bien passée et que nous avons attrapé une dorade coryphène, le meilleur et le plus beau des poissons marins selon moi, chose qui ne nous était pas arrivée depuis longtemps! Le Gulf Stream que nous avons fini par trouver sur la fin du trajet nous a menés bon train les dernières 24 heures. 







CHARLESTON

Après avoir bien étudié la carte et les profondeurs à l'entrée des inlets nous avions finalement décidé d'atterrir à Charleston, Caroline du Sud. On aurait beaucoup aimé aller à Savannah, en Géorgie donc un peu plus au sud, mais l'entrée dans la rivière nous paraissait risquée avec tous ces bancs de sable qui se déplacent sans cesse... A Charleston pas de problème de profondeur : il y en a partout! De plus Tony GEDDIE rencontré à Marsh Harbour nous en avait parlé avec chaleur et nous y avait recommandé une marina, la Charleston maritime Center. Il a quand même fallu arriver à l'étal de marée pour éviter le courant lors des manoeuvres d'entrée et d'amarrage mais nous étions en communication avec quelqu'un de la marina et tout s'est bien passé.  

Le lendemain Trey (Stanislas) JASKIEWICZ qui travaillait à la marina nous a emmenés faire les formalités. Bien sympa car c'était à quelques milles de là. Tout s'est passé très vite. Nous n'avions pas fait les formalités de sortie aux Bahamas car on nous avait dit que nous aurions à payer une taxe de départ et que nous n'y tenions pas vraiment. La douanière s'est étonnée que nous n'ayons pas le tampon mais c'est tout! De là nous sommes allés  dans le centre de Charleston à pied. 

Nous n'avions encore jamais mis les pieds aux Etats-Unis et la chose qui nous a le plus surpris à Charleston est que la population y était/est quasiment totalement blanche! Même les serveurs dans les bars, les vendeurs dans les magasins tous étaient blancs! Pourquoi? Parce que les américains ne désirent pas de noirs  et ne leur font pas de place? Parce que les noirs ne tiennent pas à y vivre? Ensuite c'est le fait que la ville était très propre, les trottoirs en bon état, pas un papier par terre, pas de feuilles mortes, tout était impeccable. Et de plus pimpant avec des fleurs au pied des arbres, le plus souvent des palmiers, et de jolis arrangements floraux un peu partout. La ville était animée mais il n'y avait pas le bruit qui y est souvent associé. 







Ce premier jour, nous avons seulement pris nos repères et réglé quelques problèmes pratiques, par exemple acheter de quoi manger et nous procurer une carte SIM. Là encore nous avons été très surpris : nous nous imaginions que dans ce pays de la modernité à tout craint nous n'aurions eu aucun problème avec cette dernière, eh bien non! Nous avons eu du mal à trouver l'adresse que l'on nous avait donnée, le gars avait déménagé, on ne savait pas pour où! Finalement on a trouvé. Mais surtout la carte marchait très mal : l'opérateur couvrait mal les zones où nous allions et nous avons dû en changer! Le gars de la marina nous avait dit que GARP faisait des soldes et nous y sommes allés car nous manquions de vêtements de ville. Et nous sommes bien sûr allés boire notre première bière américaine et avons été ahuris de voir l'alignement de tireuses, peut-être six mètres! 




Charleston, Charles' Town, fondée en 1670, a été nommée ainsi pour honorer le roi Charles II  d'Angleterre. C'était un des ports les plus importants de la côte est et la ville principale d'une des 13 colonies. Elle se développa grâce au commerce et à la culture du riz. Elle devint au début du XVIIIème siècle un des plus grands centres sinon le plus grand centre de la traite négrière pour l'Amérique du Nord. Y arrivaient en effet 40% des esclaves! Il faut aussi savoir que c'est à Charleston, plus exactement au fort Sumter dans le port, que se sont échangés les premiers coups de feu de la guerre de Sécession, le 12 avril 1861. Après la guerre avec la fin de l'esclavage, la culture du riz n'étant plus rentable, la ville a périclité. C'est aujourd'hui une ville très agréable où l'architecture, les monuments, les cimetières, les lieux de mémoire rappellent une autre époque suscitant en nous tantôt l'émerveillement tantôt l'effroi.

Le lendemain nous sommes donc allés visiter la ville et principalement le quartier historique jusqu'à Battery et les jardins de White Point qui se situent tout au sud de la péninsule de Charleston.

 

 

Nous avons découvert des maisons impressionnantes par la dimension et la beauté, des maisons construites par de riches planteurs de riz pour les jours où ils venaient en ville. Certaines sont très imposantes.  Elles sont souvent construites perpendiculairement à la rue et on nous a expliqué qu'ainsi l'air circulait mieux entre les maisons et sur les immenses vérandas et aussi que les taxes foncières tenaient compte de la largeur des maisons par rapport à la rue, construites de cette façon les taxes étaient moins élevées. C'est vrai aussi de certaines maisons plus récentes. On les appelait des " side houses" ( maisons de côté").








La promenade jusqu'à la White Point  et au Battery Park




Tout près de là se trouve le Rainbow Row ( la Rangée Arc en Ciel), une rue bordée de maisons couleur pastel, certainement une des plus photographiées de Charleston.

Cinq ou six de ces maisons de planteurs d'avant la guerre de Sécession se visitent et nous avons ainsi vu la maison des Aiken-Rhett qui est encore dans son jus ( parfois même c'est un peu limite...), la société qui s'en occupe voit à sa conservation et à son entretien mais pas ) sa restauration. On peut y imaginer la vie des riches planteurs avant le guerre de Sécession et se faire une idée de celle  du rôle des esclaves vivant en ville. 




Notre ami Tony GEDDIE nous a dit que l'objet devant François est un Joggle Board : c'est un jouet pour les enfants qui sautaient dessus.






La vie des esclaves en ville était, d'après ce que nous avons lu, à la fois beaucoup plus agréable et  plus difficile que celle de ceux qui vivaient à la campagne. Si leur logement était convenable, en général au dessus des écuries, cuisines et autres lieux où ils travaillaient, s'ils mangeaient mieux, ils étaient constamment sous le regard de leurs maîtres, étaient 24 heures sur 24 à leur service, ne pouvaient avoir de vie à eux et ne pouvaient à quelques exceptions près quitter la maison. Une vrai prison!




Dans la première moitié du XVIIème siècle de nombreux huguenots vinrent s'installer à Charleston et dans sa région. ils se regroupèrent le long de la rivière Santee et au coeur de Charleston dans ce que l'on appelle le Quartier français, une très jolie partie de la ville. 

 


 






En nous baladant nous sommes entrés dans plusieurs églises et surtout cimetières où nous avons vu nombre de tombes de français notamment celle deux filles du comte De Grasse, marquis de Tilly  ( 1722-1788) mortes à quelques jours d'intervalle (épidémie?). Cet amiral est très honoré en Amérique du Nord où il a joué un rôle déterminant dans la guerre d'indépendance américaine. C'est en grande partie grâce à son action dans la baie de Chesapeake où il dirigeait une flotte de 28 navires formant blocus contre les anglais qua le bataille de Yorktown contre Lord Cornwallis a été gagnée. 







Dans le centre ville, près du Stock Exchange ( la Bourse) de l'époque, se trouve aussi l'emplacement de l'ancien marché aux esclaves, un parking maintenant (!).






Le soir de cette balade dans le Charleston historique nous sommes allés goûter le fameux " Shrimp and grits" ( crevettes et gruau de maïs), une des spécialité locales. Trey, de la marina, nous avait recommandé d'aller en manger dans un bon restaurant et avait suggéré le Magnolias, ce que nous avons fait, un excellent et très chic restaurant de la ville. Nous y sommes allés par curiosité pour ce plat dont on parle partout quand il s'agit de Caroline du Sud et de Géorgie. Nous avons bien aimé, sans plus...





Un autre soir nous sommes allés prendre un verre au Rooftop, un bar installé sur le toit de l' hôtel Venue Inn. La vue qu'on y a est de 360° sur le centre-ville. Très connu et agréable, ce bar attire beaucoup de monde.






Au fond, de l'autre côté de la rivière, la marina où nous avions réservé avant de rencontrer Tony Geddie. Celle où nous étions est bien mieux placée car du côté de la ville.


Un jour nous avons loué une voiture pour nous balader dans la région et visiter une de ces spectaculaires plantations de riz installées le long de la rivière Ashley. Les vastes jardins de cette plantation sont les plus anciens des Etats-Unis : ils remontent à 1741. Ce sont une centaine d'exclaves qui ont effectué tout le travail de terrassement, de drainage, de plantation...  Le résultat, tantôt jardin à la française tantôt jardin à l'anglaise, est remarquable. Il reste aussi des arbres pluri centenaires majestueux. Ce domaine entouré de centaine d'hectares de champs de riz était la propriété de Henry Middleton, un homme politique de Caroline de Sud. Les bâtiments furent incendiés par des unionistes la dernière année de la Guerre de Sécession ( 1865) et ont souffert d'un tremblement de terre en 1886. L'un d'eux cependant n'a pas trop souffert et abrite un musée.  

Le seul bâtiment du XVIII ème siècle qui reste, maintenant un musée.

C'était l'époque des magnolias et il y en avait partout, à Charleston comme à l'extérieur.

Ce qu'il reste de l'ancien bâtiment principal.









Nous y avons vu un alligator...


Le musée installé dans le seul bâtiment restant debout  portait sur l'esclavage en général et aussi pratiqué sur cette plantation. Nous avons été stupéfaits de voir le nombre d'esclaves qu'avaient possédés les Middleton sur  deux siècles. Un grand tableau les recense sur plusieurs générations ( nom de la partie de la plantation où ils étaient affectés, année du recensement, prénom de l'esclave, son occupation (parfois), son prix d'achat). Ce musée consiste avant tout en de grands panneaux explicatifs avec texte, photos, dessins...  : Labour never ending,  Quest for freedom , Freedom coming, Pioneering African American interpreters.  A l'extérieur il reste un maison de bois construite en 1870 abritant deux logements attribués à des esclaves vers la fin du XIXème, de vieux esclaves qui étaient restés avec leurs anciens maîtres après leur émancipation dont un couple Ned et Chloé et une certaine Eliza qui y vécut jusqu'à sa mort en 1986. C'est le tableau qui nous a le plus impressionnés...






Une visite intéressante et émouvante dans un beau parc.  On nous a après parlé de la Magnolia Plantation qui serait encore plus intéressante (?)...

Mais c'est surtout la visite du musée de l'esclavage installé dans l'Ancien Marché aux Esclaves à ciel ouvert qui nous a beaucoup appris sur la vie des esclaves  ( et des esclavagistes) en Caroline du Sud. 
Au départ les esclaves étaient vendus aux enchères sur les quais du port et aussi dans les rues de la ville, au nord du bâtiment de la Bourse alors les Douanes. En 1856 la vente d'esclaves en public a été interdite et les esclaves ont été vendus toujours en centre ville mais dans des lieux fermés, loin des regards! L'un d'eux, le plus important, le Ryan's Mart, coincé entre deux autres bâtiments est devenu le musée de l'esclavage de la ville et même de l'état. 






Le musée donne des chiffres très parlants et choquants : 40 à 60% des esclaves d'origine africaine destinés à l'Amérique du Nord arrivaient à Charleston et des millions d'esclaves nés en Amérique par la suite furent  achetés et vendus à Charleston; plus de la moitié des personnes qui possédaient 500 esclaves et plus en Amérique étaient de Caroline du Sud. Il est certain que c'est un passé difficile à assumer et le conseil de la ville de Charleston  s'est excusée formellement ( je n'ai pas réussi à savoir quand exactement) de son rôle dans l'esclavage. 

Dans le musée ils insistent beaucoup sur la différence à faire entre esclaves nés en Afrique et esclaves nés en Amérique  et esclaves vivant sur des plantations et esclaves vivant en ville... 

Les esclaves travaillaient dans les champs ou dans les maisons de leurs maîtres ou étaient loués à d'autres personnes par leurs maîtres qui touchaient leur salaire ( c'était par exemple le cas des artisans). Il fallait être très riche à Charleston pour pouvoir s'acheter un esclave et seulement 3% de la population de la ville pouvaient se le permettre tant les prix étaient élevés. Par exemple un esclave avec une qualification coûtait l'équivalent de 38 000 $ (de 2011) tandis qu'une femme ordinaire ou un esclave d'un certain âge ne coûtait que ( !) la moitié de cette somme. 


Si cela vous intéresse le meilleur site que j'ai trouvé sur le sujet est www.postandcourier.com. C'est vraiment TRÈS intéressant, sérieux et documenté. En tapant Slavery in Charleston suivi de postandcourier on tombe rapidement sur l'article.

 

En visitant le musée il est un peu difficile d'imaginer comment c'était car tout a été bien transformé.  Par exemple il y a maintenant un étage alors qu'il n'y en n'avait pas, en dehors de la partie prison qui en comptait quatre. En plus de panneaux explicatifs on peut voir divers objets d'époque comme des affiches annonçant des ventes aux enchères, des fers ou des sortes de badges que les esclaves devaient porter pour quitter leur lieu de résidence ( même les esclaves affranchis devaient porter des badges mais différents). Il y a aussi quelques vidéos mais surtout de très poignants enregistrements d'anciens esclaves.  Une visite que nous recommandons. 









En dépit de son passé sinistre ( est-ce pour cela que nous y avons vu peu de noirs américains?) nous avons beaucoup aimé Charleston, y retournerions volontiers et engageons nos parents et amis à visiter cette belle ville.

L'avant-veille de notre départ Tony GEDDIE, rencontré à Marsh Harbour (Abacos) et dont il revenait tout juste sur son voilier, et sa femme Teresa nous ont invités à goûter ce que l'on pourrait appeler les "tapas" locaux. Ils nous ont emmenés en dehors de la ville dans un joli endroit, Ellis Creek Fish Camp. C'est sur James Island, juste au sud de Charleston. On y sert surtout des fruits de mer, huîtres, crevettes... Nous avons beaucoup aimé les Hush Puppies qui sont  des sortes de petites boulettes à base de maïs et de crevettes... Grâce à eux nous avons passé une excellente soirée bien authentique.




C'était le 25 mai 2019. Le 27, sauf erreur, nous reprenions la mer avec pour escale Beaufort, le Beaufort qui se trouve juste au sud du Cap Hatteras. A ce moment-là nous nous demandions toujours si nous allions emprunter les ICW ou Inter Coastal Waterways, ces voies d'eau peu profondes, souvent canalisées mais pas toujours, qui courent parallèlement à la côte Est des Etats-Unis ou passer le Cap Hatteras de sinistre réputation pour aller dans la baie de Chesapeake. 

Prochain article ; de Charleston à Norfolk et la baie de Chesapeake

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