dimanche 10 février 2019

CUBA - Quatrième partie : TRINIDAD

TRINIDAD
(du 16 avril au 21 avril)

Une huitaine d'heures de navigation séparent Cienfuegos de Trinidad, ville un peu plus à l'est sur la côte sud de Cuba. 




Nous en avons fait une petite moitié dans la brume! 




Le temps s'est éclairci pour l'arrivée...





La marina de Trinidad se trouve derrière une bande lagunaire à laquelle on accède en suivant  avec précaution le bras de mer qui s'enfonce parallèlement à la côte... 





Contrairement à celle de Cienfuegos on ne peut faire aucune formalité à la marina de Trinidad. Pas moyen non plus d’y amarrer son bateau, encore moins de l’y laisser quelques jours car elle est réservée aux bateaux de charter. En mauvais état elle n’offre pas de douche contrairement à celle de Cienfuegos où il y en avait une rustique mais propre mais que nous n’avons pas utilisée étant  équipés d'une douche sur YOVO.  
Les bateaux avec un faible tirant d’eau ( 1m? ) peuvent aller mouiller dans la poche d’eau au fond de laquelle se trouve cette marina. Attention à l’entrée dans la poche : le passage où il y a un peu de profondeur ( à gauche) est très étroit!  Il y a de la place pour cinq ou six bateaux, pas plus, et certains ont l’air d’être là à demeure. YOVO avec ses deux mètres de tirant d’eau a préféré rester à l’extérieur, à un demi-mille de là environ mais avec notre grande annexe et son moteur 15cv cela n’a pas été un problème.

Ladite marina se trouve à deux pas d’un vaste hôtel datant de l’époque soviétique avec son look extérieur et intérieur bien particulier.  C’est l’Hôtel Ancon, du nom de la plage devant laquelle il est installé. 



C’est un hôtel d’état qui s’adresse à une clientèle modeste. Le gros avantage est que tous les matins à 10h en partait un autobus qui pour 5 CUC ( moins de 5 €) aller retour vous emmenait en plein coeur de Trinidad. Retour à 17h. Sinon il y avait toujours des taxis en attente devant l’hôtel. Playa Ancon se trouvait à quatre, cinq kilomètres de Trinidad. Le bus était un bus à impériale et, du haut, on avait une vue superbe sur la mer que l’on longeait un bout de temps puis sur la campagne environnante et enfin sur les rues et maisons de la ville quand on y pénétrait. Magnifique!

Trinidad vu depuis l'hôtel d'à côté













Dès le premier coup d’oeil il est évident que Trinidad est beaucoup plus ancienne que Cienfuegos. Effectivement une colonie y fut établie au tout début du XVIème siècle (1514). Bien qu’elle ait dû faire face à la piraterie les deux siècles suivants, elle s’enrichit rapidement grâce à la contrebande puis à l’exploitation sucrière rendue possible par l’importation de nombreux esclaves. De cette période faste il reste de très nombreuses riches demeures. 






Trinidad, en déclin et en retrait de la vie du reste de l’île au XIXème siècle, a de ce fait été très préservée et se promener dans cette ville d’un autre temps tient de la magie. Elle a d’ailleurs été inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité en 1988, ce qui a permis une restauration de qualité. Les anciens palais sont devenus des musées, les plus belles maisons des restaurants ou des maisons d’hôtes. La ville vit de nos jours avant tout du tourisme mais pas de façon agressive. Elle nous a beaucoup rappelé les vieilles villes coloniales que nous avons visitées en Amérique du sud ou centrale : je pense à Ouro Preto ou Olinda au Brésil ou encore Guatemala Antigua. Même architecture des palais, mêmes maisons basses plus modestes de couleur vive, mêmes toits aux tuiles rondes, mêmes rues aux pavés inégaux…

Le centre historique de Trinidad comporte deux places, le Parque Cespedes et la Plaza Mayor.
Le Parque Cespedes est à deux pas de l’endroit où vous dépose le bus et c’est celle que nous avons d’abord visitée.  Très agréable et jolie avec une sorte de vaste pergola en son centre. Une mignonne petite église dédiée à San Francisco de Paula, le fondateur de l’ordre des Minimes qui vivait au XVème siècle. Sur le petit muret juste en face l’église internet marchait très bien et nous y sommes souvent allés!







A deux reprises nous y avons vu un moniteur de patins à roulettes très enthousiaste entraîner une vingtaine de jeunes. Nous avons discuté avec lui et il nous a parlé de leur club et expliqué leurs difficultés, à savoir que les jeunes devaient s’entraîner par roulement car ils manquaient de matériel. 



Vu autour de cette place...




La Plaza Mayor, plus touristique, est en pente avec un élégant jardin en son centre. Sur ses quatre côtés les façades de palais ou de très belles maisons et l’Iglesia de la Santissima Trinidad. Les cubains viennent souvent faire des séances de photos devant ce jardin.

la place vue du haut
la place vue du bas



le Musée Romantique
L'église de la Très Sainte Trinité




La Galeria de Arte
Le musée de l'Architecture coloniale


Le coin le  plus animé de la ville n’est pas là mais à deux pas, à droite de l’église où débute un vaste escalier aux larges marches. Tout du long à droite et tout en haut, des bars et des restaurants. Nous y avons déjeuné le jour de notre arrivée...





François lève la tête vers un groupe de chanteurs au dessus de notre resto.

Dans la journée les touristes peuvent s’asseoir sur les premières marches sans consommer. Le soir tout l’escalier redevient la propriété des bars et restos qui ferment la zone. De jour comme de nuit il y a beaucoup de monde et on peut y entendre des groupes de musiciens fort bons. Nous y  sommes allés très souvent.




C’est près de cet escalier que nous avons vu pour la première fois ces drôles de petits lézards à la queue retroussée! 





Nous y avons visité le Museo de l'Arquitectura Colonial installé dans un ancien palais ou plutôt une ancienne maison de maître. Il est très bien présenté et très instructif et nous y avons passé une bonne heure et demie. 
Personnellement c'est la maison elle-même, la décoration des murs, son mobilier, ses bibelots d'époque ( XVIII et XIXe)  qui m'ont le plus intéressée.
Nous n'avions jamais vu de plafonds ainsi conçus... Nous en avons vu de semblables dans d'autres grandes demeures de Trinidad.









Quelques éléments architecturaux ou décoratifs qui nous ont retenu notre attention...

Nous n'avions pas remarqué avant Trinidad ce bel élément décoratif des hautes fenêtres des maisons un peu cossues.



Première fois aussi que nous voyions une douche semblable! Elle remonte à la fin du XIXe ou tout début du XXe.



La salle de douche comme la cuisine étaient à l'extérieur à l'une des extrémités du jardin. La cuisine mériterait d'être restaurée...




Il ne faut pas oublier que de très nombreux esclaves avaient été amenés à Cuba. Une vie très pénible pour la plupart d'entre eux... On pouvait voir dans ce musée d'anciennes cangues.





Il y a avait aussi de grands panneaux explicatifs sur les motifs de portes, les serrures, les heurtoirs, la composition des murs, etc... 


Le jardin avec une jolie vue sur l'église...





La Galeria de Arte qui expose les oeuvres de l’artiste local Benito Ortiz et de ses disciples et organise des expositions temporaires tout au long de l’année.
Nous n'avons pas été très intéressés par les oeuvres de Ortiz, très naïves... Il est ici très vénéré car il est la mémoire de Trinidad.









Nous avons préféré l'exposition temporaire en particulier ce profil/face...





Le Museo Romantico était malheureusement en restauration et nous n'avons pas non plus visité le Musée Archéologique.

Nous sommes allés, un peu plus loin, au museo de la Lucha ( = la lutte) contra los Banditos Très semblable aux autres musées de la révolution du pays, lui parle avant tout de ce qui s’est passé dans le massif de l’Escambray où se trouvait un maquis révolutionnaire… puis contre-révolutionnaire! Installé dans l’ancien couvent Saint-François-d’Assises qui date du XVIIIème siècle les bâtiments sont très beaux et on peut monter tout en haut du clocher d’où l’on a une très belle vue sur les toits de la ville et les collines environnantes.







La mer en arrière plan







Pas très loin de là se trouve le Templo de Yemaya, la déesse de la mer de la mythologie afro-cubaine où nous avons pu entendre les explications données par le « santero » ( le prêtre) lui-même à un groupe de touristes auquel nous nous étions mêlés. Peu claires au départ - notre peu d’espagnol nous a quand même permis de nous en rendre compte! - l’interprête a eu bien du mal à leur donner un sens! En fait il s’agit d’un des avatars de la Santeria, qui est l’équivalent du vaudou haïtien et du candomblé brésilien (dont nous avons parlé dans un précédent article), c’est-à-dire un syncrétisme entre les croyances et pratiques animistes, les rituels africains et le catholicisme. Ce sont les esclaves Yorubas  venus du delta du Niger, à la très riche culture, qui sont à l’origine de cette croyance. Les divinités, très nombreuses, appelées « orishas « , comme au Brésil, représentent les forces de la nature et les éléments du paysage africain. A Joao Pessoa nous avions assisté à une grande fête dédiée à la déesse de la mer,  Lemanja. Yemaya… Lemanja…il s’agit de la même déesse toujours vêtue de bleu! La moitié de la population de Cuba serait impliquée dans la Santeria sans pour autant renier leur croyance à une autre religion. Elle les relie à leurs orgines africaines.




le santero Israel Bravo Vega


D'autres divinités sont à l'honneur dans ce temple mais je ne sais lesquelles. Il y en aurais une quarantaine à Cuba et trois cents au Nigeria dont étaient originaires les esclaves Yorubas.
Le santero lui-même n'est pas quelqu'un de très sympathique ni chaleureux. Il ne cherche pas le contact en dehors  des explications qu'il donne.




Mais ce qui nous a le plus plu c'est, comme souvent, de voir les quartiers plus populaires, de voir les gens vivre, travailler, discuter, se divertir... des quartiers plus authentiques mais peu prisés des touristes car leur accès est parfois moins facile ( chaussées plus irrégulières voire défoncées) et les maisons moins bien entretenues. 






Une école primaire

















Une des choses dont je n'ai pas encore parlé c'est de la monnaie à Cuba et de la façon dont les cubains s'approvisionnent.
Il y a deux monnaies, le "peso cubano", la monnaie nationale et le "CUC" ou  "peso cubano convertible". Les touristes sont obligés de tout payer en CUC qu'ils achètent avec des devises ( 1 CUC = environ 0,90 €) et les cubains doivent utiliser le peso cubano  ( il y a un peu plus de 26000 pesos dans 0,90 €) . Ceci dit, comme nous voulions acheter des légumes et des fruits frais au marché local on nous a dit que n'importe quelle banque nous en changerait, ce qui fut le cas. Ce n'était pas ainsi il y a quelques années.
Depuis plus de cinquante ans les cubains possèdent un livret de rationnement mais il est de nos jours très réduit et disparaîtra vraisemblablement d'ici peu. En 2013 le gouvernement a d'ailleurs annoncé un projet d'unification de la monnaie cubaine. Avec ce livret les cubains peuvent encore obtenir quelques denrées de base à coût très bas, des oeufs, des haricots rouges, du sucre, du lait en poudre, de l'huile, du café, du sel...

Dans une boutique d'état...



Dans une autre...




Sur les murs...




Un livret de rationnement...



Les transports publics, les logements, l'électricité sont aussi payés en pesos cubanos et peu chers. Mais ils doivent acheter tout le reste dans d'autres boutiques que les boutiques d'état et les payer en CUC! Dans les boutiques on voit maintenant tous les articles mis en vente dans les deux monnaies. Quant à la santé et à l'éducation nous avons cru comprendre que l'état ne prenait plus tout à sa charge...
Les cubains sont très courageux et ont plusieurs métiers. Il leur faut aussi essayer de se procurer des CUC. Il y a quelques années le gouvernement a permis à la population de tirer profit des maisons ou appartements qu'ils pouvaient posséder et de les louer. Lisbet, notre logeuse de La Havane, possède ainsi deux chambres qu'elle loue 35 CUC par jour.  En contrepartie elle doit au gouvernement 35 CUC par mois pour les deux : il faut donc qu'elle en loue au moins une une fois par mois sinon elle est perdante. Ce n'est pas si facile à La Havane où l'offre est abondante. Elle a abandonné son métier d'institutrice car elle s'en sort finalement beaucoup mieux avec ses chambres qu'avec son salaire équivalent à 30 ou 40 CUC ( je ne sais pas exactement : elle a dû me le dire mais j'ai oublié!) payé en pesos cubanos.
Peuvent se procurer des CUC tous ceux qui travaillent avec les touristes par exemple les possesseurs de belles voitures américaines, ceux qui louent des chambres d'hôtes - et il y en a de plus en plus -, les musiciens qui jouent pour notre plus grand plaisir dans la rue, dans les restaurants ou même chez eux, mais aussi ceux qui t'arnaquent dans la rue - nous en avons été les victimes en achetant une bouteille d'un supposé excellent rhum à un prix intéressant ( comment nous avons pu nous laisser prendre, je me le demande encore!!)  et bien sûr ceux qui ont de la famille à Miami.

Ce signe sur la porte d'une maison signifie que les propriétaires ont une ou plusieurs chambres à louer






Nous avons payé en CUC ce coiffeur , pas bien cher d'ailleurs! Il était très content.


Nous avons toujours trouvé ce dont nous avions besoin à Cuba mais nous avions des CUC. Pour les cubains la vie n'est pas si facile. Ceci dit nous ne les avons jamais entendu se plaindre, non, avons-nous eu l'impression, parce qu'ils craignaient d'être entendus mais parce qu'ils étaient fiers d'être un pays libre et en acceptaient le coût. Seule critique formulée parfois : les choses progressent mais très lentement!

Un plus à notre séjour à Trinidad : nous nous sommes débrouillés pour y retrouver des cousins, Marie-Jeanne et Jean-Marie en voyage en même temps que nous à Cuba. Nous avons passé deux jours très sympathiques avec eux à Trinidad, pendant lesquels nous avons pu profiter, en plus de leur compagnie, de la gentillesse et des explications de Kalia, la jeune cubaine qui les accompagnait. Mon cousin fait partie du Lyons Club de Lille qui aide de jeunes étrangers étudiant notre langue à faire des séjours linguistiques en France et Kalia était une de ces jeunes étudiantes. Ils se connaissaient très bien car elle est venue plusieurs fois à Lille. Elle s’est proposée ou ils lui ont demandé de leur servir de guide lors de leur voyage, je ne sais plus, mais j’avoue que c’était bien agréable et très intéressant! Ils étaient logés dans une petite maison pourvue d'un joli jardin intérieur...




Kalia et leur chauffeur


Avec eux nous avons fait quelques visites, nous sommes baladés dans les rues si pittoresques de Trinidad de jour comme de nuit, avons bu des mojitos et goûté à la Canchànchara ( boisson typique de Trinidad à base non de rhum mais d’aguardiente, une eau de vie traditionnelle des paysans associée à du miel et du citron et servie dans de petits bols en terre), grignoté le midi et dîné en leur compagnie le soir.  





Ce jour-là l'un des musiciens voyant que j'avais acheté un "guiro", un vrai, m'a montré comment m'en servir. Je n'étais pas très douée et je suis passée aux maracas. Pas facile non plus car tout en contre temps!


Ici, au sortir du musée de l'architecture...






Là, en train de se connecter à internet au bas de l'escalier près de l'église, un des bons spots où on peut se connecter...





Un après-midi nous avons pu leur faire les honneurs ( un bien grand mot!) de YOVO mais la pauvre Kalia, cubaine, n’a pas pu se joindre à eux, comme je l’ai expliqué dans un article précédent! Elle aurait pourtant bien aimé…
Puis nous nous sommes séparés pour poursuivre nos projets respectifs, vers l’est dans les deux cas mais eux par terre et nous par mer.

Inutile de préciser que nous avons adoré ces cinq jours à Trinidad!
Et nous avons commencé à suivre le chapelet d’îles que constituent les Jardins de la Reine, toujours en direction de l'est. La chance a continué d'être avec nous : très peu de vent contraire et donc une navigation on-ne-peut-plus agréable et cela jusqu'à Santiago de Cuba.
Ce trajet sera l’objet de notre prochain article.












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